Euromed : l’UPM menacée par le syndrome de l’UMA ?

L’Union pour la Méditerranée en état de marche ? Une semaine
à peine après la réunion (3-4 novembre 2008, Marseille) des ministres des
Affaires étrangères des 47 pays faisant partie de cet ensemble naissant,
l’Association des Etudes Internationales (A.E.I.), dirigé par l’ambassadeur
Rachid Driss, a réunit un groupe de diplomates et d’experts pour répondre à
cette question. L’image qui en a émergé est celle d’un train qui se met,
cahin-caha sur les rails, mais dont on n’est pas sûr qu’il ne va pas déraper.

Les plus optimistes étaient bien sûr les Français, et à leur tête M.Serge
Degallaix. L’ambassadeur de France à Tunis a constaté que «18 mois à peine après
le lancement de l’idée, moins de quatre mois après le sommet du 14 juillet à
Paris et une semaine après la réunion des ministres des affaires étrangères, le
projet devient réalité et il commencera dans quelques mois à produire ses
effets. » Et même s’il reconnaît l’existence d’une «distance entre le concept et
la réalité », le diplomate français soutient qu’il était illusoire de penser que
«l’idée ne soit pas discutée, adaptée. » Selon lui l’essentiel est que «la
Méditerranée a retrouvé sa place centrale dans la diplomatie européenne » et que
«l’Union européenne a retrouvé son Sud », mais «cela ne veut pas dire qu’on
perde l’Est. »

Même son de cloche chez M.Gilles Mentré. Le chargé des questions économiques et
financières au sein de la Cellule de l’UPM, à la Présidence de la République
française, annonce que le secrétariat de l’UPM sera en place d’ici mai 2009, et
met en exergue le fait que cet ensemble sera centré sur des «projets concrets
régionaux ». Mais les deux responsables français admettent que très peu de
progrès a été enregistré sur la question cruciale du financement. M. Mentré
amortit le choc en affirmant que le fait que quelques uns seulement des acteurs
multilatéraux et nationaux ont décidé de leur contribution «ne veut pas dire
qu’il n’y a pas de financement. » Mais plutôt que «d’allouer une enveloppe à
ventiler », les pays membres ont choisi d «’inverser la démarche : « on décide
les projets et on cherche le financement. »

Cette démarche sera en vigueur au moins jusqu’en 2013, «moment du cadrage
budgétaire de l’Union européenne », indique l’ambassadeur de France à Tunis.

Toujours est-il que ce qui pose véritablement problème c’est moins la méthode de
mobilisations des fonds que les montants que l’UE serait prête à mettre sur la
table. Se réfugiant derrière le concept de «co-appropriation » de l’UPM, les 27
semblent vouloir éviter de devoir faire l’effort financier que les pays du Sud
attendaient déjà d’eux depuis la signature des premiers traités d’association et
qu’ils n’ont jamais fait à ce jour.

«L’Union européenne a mis 10 milliards d’Euros » sur la table pour les pays du
Sud de la Méditerranée et en a «donné dix fois plus à l’Est », jette Jean-Louis
Reiffers, comme un pavé dans la marre. Ce qui veut dire, explique le directeur
général du FEMISE (Forum Euro-Méditerranéen des Instituts Economiques) qu’il n’y
a pas eu le transfert vers les pays sud-méditerranéens qui aurait pu aider à
réaliser la nécessaire converge des niveaux de développement et de vie des pays
des deux rives de la Méditerranée.

Pour ce Professeur à Université de la Méditerranée Aix- Marseille II et
Directeur scientifique de l’Institut de la Méditerranée, l’Union que l’UPM
–ainsi que son appellation l’indique- s’est fixé comme son objectif n’aurait de
sens que cet ensemble avait pour objectif de concrétiser au cours des cinquante
années à venir le «rattrapage » économique qui a été réalisé en Europe au cours
des cinq dernières décennies au profit des pays les moins développés du vieux
continent. Autrement, ont averti plusieurs intervenants, ce projet risquerait à
l’instar d’autres –parmi lesquels l’Union du Maghreb Arabe (UMA)- de devenir une
coquille vide. Mais il faudrait, en même temps, que l’on fasse de la coopération
Sud-Sud, fait remarquer M.Tahar Sioud. Or, «nous rencontrons avec le processus
d’Agadir », par exemple, «les problèmes qui risquent de tuer l’UPM, et auxquels
il faut faire face », s’inquiète le président du Conseil d’administration de la
Banque Internationale Arabe de Tunisie (B.I.A.T.), qui a hébergé ce séminaire.
M.M