L’Allemagne renonce contrainte et forcée au développement des biocarburants

 
 
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Le ministre allemand de l’Environnement Sigmar Gabriel le 20 décembre 2007 à Bruxelles (Photo : Dominique Faget)

[04/04/2008 14:52:45] BERLIN (AFP) L’Allemagne a dû renoncer vendredi à un des piliers de sa politique environnementale, le développement massif des biocarburants, un revers cuisant pour un pays qui se veut pionnier en la matière.

“Tous ensemble, nous avons sous-estimé les problèmes”, a reconnu le ministre de l’Environnement, Sigmar Gabriel. Un aveu qui condamne l’E10, le nouveau carburant que Berlin voulait imposer dès l’an prochain et qui contenait 10% d’éthanol mélangés à l’essence classique.

Beaucoup trop de voitures en circulation en Allemagne sont incapables de le supporter pour des raisons techniques –plus de trois millions selon les derniers chiffres publiés, soit très loin de la barrière d’un million que s’était fixée le ministre.

Les automobilistes qui n’auraient pas pu mettre de l’E10 dans leur réservoir auraient dû se rabattre sur du Super-Plus, plus coûteux.

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Circulation sur une autoroute allemande (Photo : Volker Hartmann)

“La politique de l’environnement n’assume pas la responsabilité si des millions d’automobilistes doivent payer plus cher” leur essence, a expliqué le social-démocrate.

Depuis plusieurs semaines, Sigmar Gabriel devait faire face à des critiques de plus en plus vives contre sa stratégie de réduction les émissions de gaz à effet de serre.

Le club des automobilistes ADAC refusait le surcoût entraîné par l’E10, relayé par des hommes politiques de tous bords, et les écologistes eux-mêmes dénonçaient les méthodes de culture du colza ou du soja pour fabriquer les agrocarburants, qui concurrencent les plantations alimentaires.

“Les biocarburants représentent un danger pour la biodiversité, ils imposent une pression massive sur la forêt tropicale et détruisent les capteurs naturels de gaz à effet de serre contenus dans les sols non cultivés”, a ainsi expliqué à l’AFP Christian Hey, secrétaire général du Bureau fédéral pour l’Environnement (UBA).

Vendredi pourtant, le ministre de l’Environnement a défendu pied à pied sa stratégie ambitieuse: l’Allemagne veut aller plus vite et plus loin que l’Union européenne pour réduire les émissions de CO2, avec une baisse de 40% entre 1990 et 2020, contre 20% pour l’UE, et va continuer à miser sur les biocarburants… mais de deuxième génération.

“Aujourd’hui est un mauvais jour pour la protection du climat”, a d’ailleurs aussitôt dénoncé l’association Greenpeace, radicalement opposée aux agrocarburants.

En attendant la deuxième génération qui ne devrait pas arriver avant plusieurs années selon les experts, ce sont d’autres secteurs de l’industrie qui devront supporter les errements de l’automobile. L’objectif de 40% de réduction des émissions reste tenable si la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité passe à 30% d’ici 2020, et non plus à 27,5%, a annoncé M. Gabriel.

Une façon de refiler le bébé qui n’est pas du goût de l’industrie énergétique. Une part des renouvelables de 30% “est très ambitieuse, mais faisable”, toutefois “seulement à certaines conditions”, a commenté un porte-parole de la fédération BDEW. Parmi elles, la construction de lignes à haute tension pour acheminer l’électricité produite par les éoliennes sur la côte.

Autre problème, les biocarburants devaient aider l’industrie automobile allemande, spécialiste des grosses berlines gourmandes en carburant et plus polluantes que les petites voitures, à satisfaire à l’objectif fixé par la Commission européenne de 120 grammes de CO2 émis par kilomètre.

Les constructeurs devront désormais trouver “d’autres mesures techniques” pour y parvenir, selon le ministre.

“Nous savons que nous devons encore faire beaucoup de chemin avec nos plus grosse voitures”, a d’ailleurs admis Matthias Wissmann, président de la fédération des constructeurs allemands, dans un plaidoyer en faveur des biocarburants de deuxième génération.

 04/04/2008 14:52:45 – © 2008 AFP