Le recul du tourisme dans la ville de Kairouan inquiète

Le recul du tourisme dans la ville de Kairouan inquiète

Par Amel Djait Belkaid

kairouan250.jpgKairouan souffre de sa situation géographique, qui n’en fait plus qu’une
ville de «passage Circuits», sur la route du désert, comme l’appellent les
techniciens des agences de voyages.

 

Réduite en étape technique ou demi-journée de visites dans le meilleur des
cas, Kairouan est de plus en plus banalisée. Les chances d’en découvrir
l’aspect culturel sont de plus en plus compromises, faisant chuter le nombre
de touristes étrangers non arabes de 260.000 en 2005 à 200.000 touristes en
2007. Le parc hôtelier de Kairouan se limite, d’ailleurs, à 05 hôtels, dont
quatre ont plus de 25 ans.

 

Kairouan est l’une des capitales de la tapisserie mondiale, 4ème ville
sainte du monde musulman, le Musée de Rakkada recèle de manuscrits
d’exception, les édifices magnifiques sont propices à de l’évènementiel de
grande facture si l’offre hôtelière autour suivait.

Patrimoine mondial de l’UNESCO, en 2009 elle sera capitale de la culture
islamique et tous les efforts semblent finalement s’actionner

 

La matière est généreuse et les supports nombreux: gastronomie, artisanat,
édifices religieux, lieux d’événementiels, environnement naturel, etc. De
nombreuses suggestions ont été apportées au cours d’une table ronde
récemment organisée. Une action ciblée qui vise à élaborer un programme
d’animations avec des manifestations thématiques, des ouvertures nocturnes
des principaux édifices de la ville, la création d’hébergement alternatif,…

 

Des atouts d’exception ?

 

Assurément, comme d’ailleurs d’autres villes archéologiques recelant des
trésors endormis et sous exploités. Mais Kairouan ennuie, comme bon nombre
de villes touristiques au potentiel aussi énorme. Kairouan sombre dans
l’anonymat, laissant un véritable goût de gâchis et de frustration.

 

Dans le monde, les villes et villages touristiques prennent le relais sur
les destinations. Elles choisissent une option, s’inventent un concept et se
construisent une identité : village à antiquaires, paradis pour golfeurs,
ville shopping, capitale pour jet set, ou capitale de musique classique le
temps d’une programmation retentissante.

 

Kairouan a sombré dans l’anonymat pour ne pas avoir construit, au bon moment
une visibilité claire et haute en couleurs. Les villes touristiques
tunisiennes restent discrètes ne parvenant pas à se créer une image de
marque affirmée. Ne seraient-elles pas des relais solides pour soutenir la
destination dans son ensemble ?

 

L’urgence est à la conception d’une véritable dynamique culturelle
applicable à toutes les régions de Tunisie, en prenant en considération les
caractéristiques de chaque région. Le travail ne peut qu’être le fruit d’une
stratégie globale à mette en place sur le long terme.

 

La tendance mondiale n’est plus au tourisme culturel, elle est au mieux
disant culturel.

C’est ce principe même qu’appliquent les destinations qui se livrent des
guerres acharnées. L’inventivité des grands professionnels du tourisme, de
la culture, de la communication se conjuguent à l’infini pour séduire,
innover et surprendre. Les cartes magnétiques des chambres d’hôtels sont
dessinées par des sommités de la peinture contemporaine, les hôtels,
restaurants et bars sont élaborés par des bijoutiers et des créateurs de
mode.

 

Kairouan trouverait-elle sa voie ? Les festivals régionaux, sont déjà un
point de départ à exploiter. Poussées vers la professionnalisation, ces
manifestations pourront catalyser des forces nouvelles, susceptibles de
solliciter et retenir plus d’attentions.

 

Le tourisme tunisien s’adapte difficilement aux attentes d’un monde qui
communique beaucoup et bouge très vite. Trop longtemps pensée pour et par
des hôteliers, c’est la destination qui ennuie. Plus que jamais auparavant,
choisir une destination c’est acheter un rêve, et la Tunisie ne fait plus
beaucoup rêver.

 

En Tunisie, l’investissement est encore et toujours de béton, de marbre et
de coups de milliards de constructions, ou ne l’est pas.

 

Soit, mais les relais créatifs sont nombreux, et il est urgent de les
solliciter. Comment Kairouan peut-elle décider des investisseurs à
s’intéresser à ces potentialités, si l’image même du tourisme tunisien est
mise à mal par une conjoncture assez morose et une reprise largement
annoncée et encore avortée.

 

Décalé, le tourisme tunisien saisit péniblement les tendances. Une certaine
lenteur le ralentit, lui faisant rater des tournants importants, laissant
échapper calmement certaines «modes», au point de se retrouver en «conflit»
avec sa cible. Une cible de plus en plus jeune, plus exigeante, et noyée par
les opérations de charme des destinations concurrentes et émergeantes.

 

Pour sauver Kairouan aujourd’hui, il faut mettre en place beaucoup de
chiffres et un grain de folie. Le tourisme est aujourd’hui, plus que jamais,
beaucoup de chiffres, de très gros enjeux économiques et beaucoup d’audace.

 

Alors aujourd’hui et plus que jamais, j’ai envie de rêver à un tourisme dans
le vent. Un tourisme où l’on voit fleurir des dizaines de grands noms de
l’hôtellerie mondiale.

Une habitation typique serait-elle bientôt reconvertie en un énigmatique et
somptueux «Bougie hôtel» ? Verrat-on jaillir un spa grand luxe sous tente
d’exception au milieu de la steppe avec transfert exclusif en hélicoptère ?
Imaginez, des dîners de mille et une nuits, autour des bassins troglodytes
avec mise en place d’exception, feu d’artifices époustouflant ? La grotte la
plus grande d’Afrique du Nord sera-t-elle aménagée avec tout un projet de
sports extrêmes : Cross, delta plane, quad, Vtt, etc. ?

 

Au rythme de mes divagations, d’autres se souviennent d’un temps où
l’inventivité faisait flotter des bateaux dans les bassins aghlabides. Des
instants magiques gravés dans les mémoires, à l’occasion d’un exceptionnel
cocktail dans les jardins du Musée de Rakkada éblouissant de beauté et
brillant de mille feux.

 

Pour survivre, la destination se doit de séduire à nouveau. Kairouan, elle,
se doit de trouver sa voie.

 

Son avenir touristique passe incontestablement par la valorisation de son
patrimoine et la naissance d’un tourisme culturel dynamique et valorisant.
Les projets sont à portée de main et Kairouan rejaillira comme une
somptueuse capitale culturelle moderne et ouverte.