La dépréciation douce du dollar pilotée par les USA devient un pari risqué

 
 
CPS.HLE61.090308103022.photo00.quicklook.default-245x163.jpg
Un euro et un dollar (Photo : Joël Saget)

[09/03/2008 09:31:38] WASHINGTON (AFP) La dépréciation en douceur du dollar engagée avec la bénédiction tacite des Etats-Unis devient risquée, mais pas encore assez pour que Washington veuille inverser la tendance, affirment les analystes.

Le billet vert ne cesse de perdre du terrain depuis quelques semaines face à l’euro, qui a atteint un nouveau record au delà de 1,54 dollar vendredi. “Le dollar n’arrive tout simplement pas à maintenir un cours”, résume Shaun Osborne de TD Financial Group.

L’explication tient en une phrase. Depuis le début de l’année “les perspectives économiques ont continué de se détériorer, la Fed a abaissé ses taux d’intérêt avec l’optique de continuer à le faire, les responsables américains ont fait preuve d’indifférence, au mieux, au sort de leur monnaie, et le dollar a plongé”, ajoute-t-il. Jusqu’à présent la détérioration progressive du taux de change du dollar a plutôt servi les Etats-Unis, qui ont pu réduire pour la première fois en six ans leur déficit commercial l’an dernier.

Les responsable américains donnent un feu vert tacite à la situation en répétant régulièrement qu’ils veulent un dollar “fort”, mais que c’est aux marchés de fixer librement les cours des monnaies. Personne n’est dupe sur le message, qui signifie qu’en fait Washington se satisfait très bien de voir sa monnaie glisser tant que cela se fait de façon ordonnée. Mais la volatilité croissante et la forte baisse du dollar enregistrée ces derniers temps “suggèrent que les conditions pourraient devenir désordonnées”, avertit note M. Osborne.

Déjà les répercussions du dollar faible se font sentir à l’étranger.

La hausse de leur monnaie fait grincer les dents aux Japonais et aux Européens, qui craignent de voir leur compétitivité affectée par un taux de changes trop défavorable. La semaine dernière, le Programme alimentaire mondial de l’ONU a averti que la distribution d’aide alimentaire aux pays pauvres était gravement menacée par la flambée des prix des produits de base.

Et certains s’inquiètent des conséquences plus graves qu’un écroulement du dollar pourrait entraîner.

“Le chaos sur les monnaies peut affecter le sort de millions de personnes; une fois déclenché, il risque de nourrir un ressentiment social et des bouleversements politiques qui peuvent changer le destin de pays entiers”, mettait en garde l’économiste Judy Shelton dans une contribution au Wall Street Journal mercredi.

“Avons-nous abandonné tout sens des responsabilitées associées au fait que nous fournissons au monde sa principale monnaie de réserve?”, s’interrogeait-elle.

Pourtant, il ne faut pas s’attendre à voir Washington réagir rapidement.

Tant que le billet vert ne perd pas 5 à 10% en un mois ou deux, il n’y pas de raison que les Etats-Unis fassent quoi que ce soit, note Nariman Behravesh du cabinet Global Insight. “Ce n’est pas encore un atterrissage brutal, ni un écroulement”, estime-t-il.

De plus la menace de récession qui plane ne plaide pas pour un langage musclé. Pour les Américains, la traduction la plus évidente du dollar faible est d’améliorer la balance commerciale.

“D’un point de vue très égoïste aux Etats-Unis, les exportations sont ce qui pourrait faire la différence entre une récession douce et une récession plus marquée. Aucun homme politique ne voudra saper cela”, ajoute M. Behravesh.

Selon lui, le dollar va continuer de baisser jusqu’à l’automne et d’ici là “l’euro vaudra sans doute 1,60 dollar”.

Mais il n’ira pas beaucoup plus bas. “Les marchés ont déjà intégré l’affaiblissement de l’économie américaine et les baisses de taux à venir”, assure-t-il.

 09/03/2008 09:31:38 – © 2008 AFP