Dans un Irak riche en or noir, pétrole rime avec pauvreté

 
 
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Des soldats américains effectuent un contrôle d’identité devant un oléoduc à Kirkouk le 12 juillet 2007 (Photo : Joseph Krauss)

[16/07/2007 07:20:40] KIRKOUK (AFP) Capacité de production? 1,2 million de barils par jour. Quantité exportée ? Zéro. Des officiers américains constatent l’ampleur du désastre dans la région de Kirkouk, troisième ville d’un Irak aux immenses ressources pétrolières largement inexploitées.

Le pays est pourtant assis sur les troisièmes réserves mondiales d’or noir, mais la vétusté des infrastructures, la multiplication des sabotages depuis l’invasion américaine en 2003 et la corruption endémique empêchent l’Irak de mettre à profit cette manne, comme en témoignent les villages pauvres le long des oléoducs près de la raffinerie de Baïji, au nord de Bagdad.

Dans cette région, “ils ont la capacité d’exporter 1,2 million de barils par jour, mais pour le moment, ils n’exportent rien”, affirme le lieutenant-colonel américain Jack Pritchard. L’oléoduc destiné à l’exportation de brut au port de Ceyhan en Turquie est vide.

Ceux qui retiraient quelques bénéfices de la production pétrolière sous le régime de Saddam Hussein ont vu depuis leur marge fondre encore un peu plus, notamment en raison du sabotage des installations.

A Baïji, le plus gros oléoduc (102 centimètres de diamètre) pourrait rapporter beaucoup à l’exportation, mais il est paradoxalement “notre plus grand problème”, explique l’officier américain.

En octobre 2006, la canalisation a été bombardée par des insurgés, provoquant une mare de pétrole sur les plaines herbeuses de la région. Il a fallu deux mois rien que pour nettoyer le site avant de commencer à réparer les dégâts. Et le pipeline n’est toujours pas en service.

Le seul oléoduc de pétrole brut opérationnel (66 centimètres de diamètre) a une capacité de 220.000 barils par jour, quantité suffisante pour faire fonctionner la raffinerie de Baïji. Les autres oléoducs sont utilisés pour acheminer du pétrole raffiné à Kirkouk.

Le lieutenant-colonel Pritchard commande une brigade spéciale chargée de la protection des infrastructures pétrolières souterraines de la région, contre les attaques d’insurgés et les réseaux de contrebande.

Les oléoducs qui traversent les villages sont surveillés par quelque 5.000 soldats irakiens sous commandement américain. Toutefois, juge le lieutenant-colonel, seuls quatre des sept bataillons sont efficaces, les autres étant soupçonnés de participer aux sabotages d’oléoducs.

“Nous leur avons proposé de se recycler. C’était ça ou la prison”, dit-il.

Pour sa part, un soldat irakien explique la difficulté pour les militaires de garder ces installations proches de leur domicile, où les liens entre familles et tribus locales rendent presque impossible la lutte contre les insurgés et la contrebande.

“Tout le monde nous connaît. Si nous appréhendons des individus, ils vont se retourner contre nous car ils savent où nous habitons avec nos familles”, dit-il.

Le manque de soutien du gouvernement irakien affecte aussi les bataillons irakiens les plus fiables, affirme pour sa part le commandant américain Sonny Lee. “Ils ne perçoivent aucune aide de l’Etat. Rien”.

Les soldats irakiens en sont réduits à devoir acheter souvent avec leurs propres moyens ce dont ils ont besoin pour faire leur travail, notamment une partie de l’essence pour les véhicules de patrouille, les bons d’achat fournis par l’Etat étant insuffisants.

Un autre problème pouvant expliquer la difficulté d’exporter du brut est la corruption, souligne le lieutenant-colonel Pritchard. Et d’ajouter: “Il ne semble pas y avoir beaucoup de motivation pour exporter, excepté côté américain, ‘inch’Allah’ (Si Dieu le veut)”, expression très commune dans les pays musulmans.

 16/07/2007 07:20:40 – © 2007 AFP