Les économistes d’entreprise rament

Par : Autres

Les économistes
d’entreprise rament

 

« S’il y a un économiste
d’entreprise chez nous ? (…) Ah, vous voulez dire quelqu’un qui suit la
conjoncture… Non, désolée, il n’y a pas de services “études économiques”
chez BSN.» «Vous savez, soupire Albert Merlin, directeur des études
économiques de Saint Gobain, depuis 25 ans, beaucoup d’entreprises
françaises parmi les plus grandes n’ont pas d’économiste.» L’Association
française des économistes d’entreprises (Afede) ne compte d’ailleurs que 150
membres… contre 3 800 pour la National Association of Business Economists
américaine. En France, cette fonction «n’a pas encore gagné ses galons,
regrette Albert Merlin. Aussi, rares sont ceux qui font carrière à ce
poste.» A une exception près : les banques, qui ont renforcé leurs équipes
et multiplient depuis quelques années notes de conjoncture et analyses de
marchés.


Quelques uns font pourtant des envieux. Comme André Signora, directeur des
études économiques d’Usinor Sacilor et de la Fédération française de
l’acier, président de la Fédération européenne des associations nationales
d’économistes d’entreprise, qui se présente comme « un chief economist” à
l’américaine» et connaît «tous les spécialistes de l’acier du monde». Ou
Albert Merlin, dont la lettre de conjoncture trimestrielle est adressée à 6
000 destinataires, salariés de l’entreprise, administrations économiques,
dirigeants et journalistes.

UN PROFIL INTROUVABLE

Michel Develle, de Paribas, affirme en toute modestie – être «le seul
économiste membre du conseil d’administration de son entreprise:» Tous les
trois ont l’oreille de leurs directions générales. «Je vois Marc de
Nadaillac, notre directeur général adjoint, tous les lundis, raconte Albert
Merlin. J’ai aussi des contacts ponctuels avec Jean Louis Bea, notre
président, auquel je transmets quantité de notes. Ils ne sont pas nombreux à
pouvoir en dire autant.»


Faut il en conclure que les entreprises françaises font peu de cas de
l’évolution de la conjoncture ? «Au contraire, il y a presque toujours
quelqu’un dans l’entreprise qui suit ces questions, proteste Albert Merlin.
Soit c’est un service, voire un individu, estampillé “études économiques’’;
soit la fonction est diffusée entre différents services, la planification
stratégique, le marketing, la finance ou même les ressources humaines.» Une
analyse que partage Jean Louis de Fommervault, secrétaire général de l’Afede
et chef du service “conjoncture et études économiques” de la Fédération des
industries mécaniques. «Dans les PME, c’est souvent le patron qui suit lui
même le sujet.» Jimmy Roze, économiste à Gaz de France, préfère parler de
«fonction économique dans l’entreprise.» Sa carte de visite porte d’ailleurs
la mention sibylline d’attaché auprès de la délégation à l’approvisionnement
en gaz”. Du coup, l’Afede réfléchit à une réforme de ses structures qui lui
permettrait de faire entrer dans son giron tous ceux qui assument de facto
la fonction d’économiste d’entreprise, même s’ils n’en ont pas le titre. Une
évolution qui laisse tout de même certains sceptiques. « Pas facile de
digérer et d’analyser une masse d’informations très techniques quand on a
d’autres fonctions», s’inquiète Albert Merlin. «La palette d’économistes
d’entreprises est large, résume Jean Louis de Fommervault. Elle va du gourou
du président, dans le meilleur des cas, au simple documentaliste, en passant
par le spécialiste du pifomètre.»

L’Afede a interrogé en 1989 ses membres sur leur profil et l’évolution de
leur métier. Très souvent universitaire diplômé de sciences économiques,
parfois ingénieur, l’Afédien est employé dans une banque ou une entreprise
industrielle, quelquefois une organisation professionnelle. Il travaille
pour sa direction générale, mais aussi pour les fonctions financière et
stratégique. On lui demande de plus en plus d’analyses internationales et
d’études stratégiques sur la concurrence. Viennent ensuite la conjoncture
sectorielle et les analyses macroéconomiques. Autre enseignement : leur
charge de travail a sensiblement augmenté…

 

Anne Vidalite
Source : Science et Vie ” ECONOMIE ” – Octobre 1991

 

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/ 03 / 2004 à 14 : 00