Qui a peur du rating ?

Par : Autres

Qui a peur du rating ?
Par

Khaled Boumiza

 

  


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Une circulaire de la BCT, presque jamais appliquée, rend pourtant la
notation obligatoire pour tout emprunt obligataire ! 40 % au moins en
réchappent.

 

– Seules 12 des 46 entreprises
cotées font appel au rating. Les banques le refusent, pour elles, leurs
filiales et ceux qu’elles cautionnent, crédits de l’extérieur exceptés.

A l’heure où les appels se répètent de la part des autorités financières du
pays en faveur de la transparence des comptes des entreprises. A l’heure
aussi où les autorités planchent sur un projet de loi relatif à la sécurité
financière et appèlent de tous leurs vœux une adhésion des entreprises aux
impératifs de l’information financière, il est important de noter que
l’outil de cette transparence existe.

Ceux qui l’ont inventé, l’utilisent et la transparence de leurs transactions
a prouvé son efficacité. Il s’agit de la notation ou le rating.

Tout comme on ne peut pas prétendre « réinventer la roue », on ne peut
adopter une démarche (en l’occurrence l’économie de marché) et oublier les
outils indispensables à sa réussite.

Il y a plus de 2 ans (plus exactement le 4 mai 2001), la BCT, première
autorité du marché financier, envoyait aux banques tunisiennes une
circulaire (la n° 12, plus précisément) dont l’objet était « la
répartition, la couverture et le suivi des engagements
“.

Dans l’alinéa 3 de l’article 2 de ladite circulaire, il est clairement
stipulé que « les banques se doivent, au préalable de tout engagement
financier, de demander à leurs clients
(entreprises s’entend ) non
cotés à la bourse et dont les dettes auprès du secteur bancaire dépassent le
montant de 25 Millions DT, de présenter un rating fait par une agence
spécialisée
».

Banques : le front du refus

Cette circulaire concerne donc les entreprises non cotées en bourse et qui
s’adressent au secteur bancaire pour avoir des crédits.

70 entreprises tunisiennes au moins (faisant partie d’au moins une
quarantaine de groupes d’entreprises), selon des sources financières,
entrent dans ce cadre. Des entreprises qui s’adressent aux banques pour des
crédits lourds, sans que ces dernières prennent la peine de se concerter
pour déterminer leurs volumes de dettes, pourtant notoirement connu pour
être assez préoccupant, et sans qu’elles ne leurs demandent un rating. Sur
ces 70, seule une dizaine s’adonnent volontiers à la notation et cette
dernière est généralement tenue secrète.

Il est important de noter que les entreprises non notées, peuvent être
garanties par leurs banques. Auquel cas, c’est la banque elle-même qui
devrait être soumise à notation. A deux exceptions près (BH et BTEI bien que
ce ne soit pas dans le cas précis d’une garantie d’emprunt), aucune banque
tunisienne n’a jamais été notée.

Remarque d’un néophyte, la quasi majorité de ces banques enregistrent encore
des résultat en baisse, des créances accrochées en hausse et un ratio de
provision loin des standards internationaux !

Les banques continuent cependant de refuser ce mode de transparence des
comptes qu’est le rating, et publient toujours des états financiers que ne
comprennent que les initiés et en tout cas très peu des milliers
d’épargnants qui investissent dans leurs actions en Bourse. L’investissement
devient alors un jeu de hasard.

L’autre face de la même médaille, les Sicav obligataires qui sont aussi
l’une des principales composantes du marché boursier. Elles sont presque
toutes filiales des banques de la place et brassent un volume annuel
d’actifs gérés équivalent à 1455 MDT en 2002.

Aucune de ces Sicav ne fait appel à la notation.

Les obligataires: Les non
obligées de la notation

« Seconde » autorité du marché financier, le CMF fait de son côté référence
à cette question de notation. L’article 49 de la loi n° 94-117 portant
réorganisation du marché financier, stipule en effet que « la Bourse PEUT
demander, à l’appui de toute admission au marché obligataire, la production
d’une notation reconnue par le CMF, concernant l’émission
(…) ». On
notera bien sûr le caractère flou, peu incitatif et en aucun cas
obligatoire, de ce « peut demander » de l’article 49 de la loi sur le
marché financier.

Le marché obligataire représentait en 2002 pourtant un volume de 233 MDT,
pour un total de 17 émissions obligataires enregistrées en 2002 (chiffres de
la BCT et du CMF). Selon le dernier rapport de l’institut d’émission, 72 %
(167 MDT) de cette enveloppe a été réalisée par 10 entreprises cotées en
bourse, dont 100 MDT par les banques.

Parmi ces 17 entreprises dont les noms sont cités sur le site web du
CMF, on
trouve des sociétés du secteur privé; mais aussi deux banques et une
compagnie de leasing. On n’a pourtant pas vu les notations de ces
entreprises publiées sur le site du CMF ou celui de la BVMT, encore moins
publiées sur les publications de ces deux organismes. La seule explication
pour cela est que la BVMT n’a pas jugé nécessaire de les demander.

Il y a pourtant parmi ces entreprises des entreprises fortement endettées et
des banques dont les résultats sont à la baisse et toutes  fortement
touchées par le « cas » Batam.

En 2003, le CMF a accordé 9 autorisations d’opérations obligataires pour un
montant de 84,5 MDT, dont 5 sont dans le secteur du leasing. Les 4 autres
emprunts obligataires concernent des sociétés qui ne figurent aucunement sur
le tableau des entités notées que publie régulièrement Maghreb Rating.

Cotées et non notées

Le rating n’est pas non plus une obligation pour les sociétés cotées en
bourse. A aucun moment, dans le volumineux recueil de 110 pages des
différents textes régissant la Bourse de Tunis et le CMF, il n’est question
de rating pour les entreprises faisant appel public à l’épargne et cotées en
bourse. Résultat, seules 12 sur les 46 entreprises cotées en Bourse se
laissent volontairement « auditer » par l’agence de rating en fonction dans
le pays.

L’une de ces 12 entreprises, vient même de résilier son contrat de rating et
l’agence annonce le retrait de ses notes, se contentant de sa propre
information par communiqués et privant l’investisseur d’un avis impartial,
d’autant que l’entreprise en question serait, de l’avis de l’agence de
notation, à « niveau d’endettement relativement élevé ». (voir
les communiqués de Maghreb Rating
)

Avec les résultats qu’affichent cette année la majorité des entreprises
cotées, plusieurs de ces entreprises mériteraient rating et en auraient
grand besoin. En dehors du métier des experts comptables et d’audit, qui a
par ailleurs démontré ses limites, le rating montre encore des signes
d’indépendance de jugement. Les autorités financières sont-elles conscientes
de l’utilité et de l’importance de cet outil qu’est le rating ? Aucune
mention du rating n’est en tout cas faite dans la dernière version du projet
de loi sur la sécurité financière!!
 

 

Management &
Nouvelles Technologies > 15-10-2003 à 07:00

 

Nous avons
reçu de Maghreb Rating les précisions suivantes :

 

– Je
tiens à préciser suite à votre article “Qui a peur du rating?” que 4 banques
tunisiennes sont actuellement notées par MR: ATB, BH, BTKD et BTEI.

– D’autre part, sur les 17 emprunts obligataires émis en 2002, 10 ont fait
l’objet d’une notation par MR publiée dans le prospectus d’émission.
Pareillement, sur les 9 emprunts obligataires émis en 2003 à ce jour, 5 ont
fait l’objet d’une notation de MR publiée dans le prospectus d’émission.

15-10-2003  11:22