Année 2002 : 44ème Rapport annuel de la BCT

Par : Autres

 

Année 2002 : 44ème Rapport
annuel de la BCT

   

 


Lettre introductive au 44ème Rapport annuel de la
Banque Centrale de Tunisie sur l’activité économique, monétaire et
financière de la Tunisie en 2002 présentée à Monsieur le Président de la
République Tunisienne au nom du Conseil d’Administration de la Banque
Centrale de Tunisie Par Monsieur Mohamed DAOUAS, Gouverneur de la Banque
Centrale de Tunisie.


 


Monsieur le Président de la République,


J’ai l’honneur de vous présenter le
quarante-quatrième rapport annuel de la Banque Centrale de Tunisie relatif à
l’année 2002.

 

Ce rapport décrit les résultats financiers de
l’Institut d’Emission et analyse les faits saillants qui ont marqué la
conjoncture internationale et l’évolution de l’activité économique en
Tunisie tant à l’échelle globale que sectorielle.

 

Monsieur le Président,

L’environnement international a été marqué, en 2002,
par la poursuite du ralentissement quasi-général de l’activité économique,
sous l’effet, notamment, des tensions géopolitiques et d’importants
scandales financiers.

 

Dans ce contexte, la croissance de l’économie
mondiale n’a atteint que 3% et la progression du volume des échanges de
biens s’est limitée à 3,1%.

 

Ce ralentissement, conjugué à la décélération des
investissements et aux plans sociaux dans le cadre de restructuration
d’entreprises, a provoqué la montée du chômage dans les principaux pays
industrialisés.

 

La détérioration du climat de confiance des
investisseurs, fortement secoués par l’apparition de dérives comptables et
financières de grandes entreprises, a pesé sur les marchés boursiers, déjà
affectés par l’éclatement de la bulle des valeurs des nouvelles
technologies. Ainsi, la chute des indices des marchés américains et de la
zone euro a oscillé entre 17% et 44% et le dollar américain a perdu plus de
15% de sa valeur vis-à- vis de la monnaie européenne.

 

Aux Etats-Unis, la poursuite de politiques monétaire
et budgétaire accommodantes et le maintien des gains de productivité à un
niveau élevé, grâce aux innovations technologiques et à la flexibilité du
marché de l’emploi, ont permis, néanmoins, de soutenir l’économie qui s’est
accrue de 2,4%.

 

Dans les pays de l’Union européenne, l’activité
économique est demeurée atone et la progression du PIB s’est limitée à 1% en
raison, surtout, des rigidités structurelles des économies de la zone,

notamment au niveau du marché de l’emploi et de la
fiscalité.

 

Face à cette situation, la Banque Centrale
Européenne a opté pour l’assouplissement de sa politique monétaire, mais les
mesures de relance budgétaire ont été limitées par les contraintes du pacte
de stabilité et de croissance, encore que certains pays aient enregistré des
déficits supérieurs au seuil autorisé.

 

Au Japon, l’enlisement dans la déflation et la
dégradation continue du portefeuille des banques accentuée par la chute des
valeurs boursières, ont entretenu la fragilité de l’économie qui ne

s’est accrue que de 0,3%.

 

En revanche, la Chine a continué à enregistrer des
taux de croissance élevés, soit 8% en 2002 contre 7,3% en 2001, rendus
possibles, notamment, grâce aux flux d’investissements directs étrangers
qui, favorisés par l’adhésion de ce pays à l’Organisation Mondiale du
Commerce, ont atteint un nouveau record.

 

Monsieur le Président,

 

L’économie tunisienne a été rarement confrontée, en
une seule année, à la conjonction de tant de facteurs défavorables, en
particulier, le prolongement des retombées des évènements du 11 septembre,
la détérioration du climat géopolitique international, les effets de quatre
années successives de sécheresse et le ralentissement économique, notamment,
dans l’Union européenne.

 

En dépit de cet environnement, la Tunisie a pu, tout
en préservant ses grands équilibres interne et externe, réaliser une
croissance réelle de 1,7% ; taux qui demeure supérieur au croît
démographique et assure, ainsi, l’accroissement du revenu par habitant.

 

Sur le plan des finances publiques, la consolidation
de l’effort de recouvrement fiscal et la rationalisation des dépenses
publiques ont permis, malgré un contexte économique défavorable et la
poursuite du processus de démantèlement tarifaire, de ramener le déficit
budgétaire à 2% du  PIB contre 3,5% en 2001.

 

Quant à l’inflation qui s’est située à 2,8%, elle
demeure maîtrisée en dépit des effets de la sécheresse sur les prix des
produits alimentaires.

 

La politique monétaire a contribué à la réalisation
de ce résultat tout en assurant un financement adéquat de l’activité
économique. Dans ce cadre, l’intervention de l’Institut d’Emission sur le
marché monétaire s’est effectuée essentiellement à travers l’instrument de
l’appel d’offres, allégeant ainsi le coût de refinancement des banques. D’un
autre côté, le réaménagement du taux de la réserve obligatoire en fonction
de la forme et de la durée des dépôts, a permis d’inciter les banques à
collecter des ressources stables et d’améliorer leur liquidité.

 

Pour sa part, le secteur bancaire qui a connu en
2002 un fléchissement de son activité, reflétant le niveau de croissance
économique, a pu, toutefois, préserver les fondamentaux de sa situation
financière. Les établissements de crédit ont, en effet, adopté une attitude
à la fois responsable, en poursuivant leur soutien aux entreprises, et
prudente, en consentant un effort particulier dans la constitution de
provisions pour la couverture de leurs risques.

 

Cet effort de la part des banques mérite d’être
davantage accompagné, pour préserver leur capacité de financement de
l’économie, par l’amélioration des conditions réglementaires et judiciaires
de recouvrement des créances et l’ancrage de la culture du remboursement du
crédit.

 

Sur le plan extérieur, le déficit de la balance
courante s’est limité à 3,5% du PIB contre 4,3% l’année précédente par
suite, notamment, de l’importante contraction du déficit commercial et de
l’amélioration de la balance des revenus des facteurs. Ce niveau de déficit
courant traduit une performance d’autant que son financement a été
intégralement couvert par les flux des investissements directs étrangers.

 

Au niveau des services exportateurs, le secteur
touristique a pu, grâce au soutien des autorités et aux efforts déployés par
la profession, circonscrire les effets des évènements du 11 septembre dans
des limites gérables. Le rôle essentiel de ce secteur dans les apports nets
en devises et sa contribution dans la création d’emplois réclament,
néanmoins, la prise de mesures stratégiques à même de le rendre moins
sensible aux aléas de la conjoncture et de lui garantir un niveau d’activité
optimal.

 

Est-il besoin de rappeler, à ce propos, qu’un
meilleur placement du produit touristique exige, d’une part, une implication
directe et structurée de la profession, avec l’appui de l’Etat, dans la
commercialisation, à travers l’implantation à l’étranger de nouvelles
structures ou le développement de partenariat et d’autre part, l’adoption
d’une politique de prix adaptée au produit offert.

 

D’autres activités de services se présentent comme
de nouveaux créneaux générateurs de ressources en devises et méritent d’être
promues. Il en est ainsi des nouvelles technologies de l’information et de
la communication, de l’enseignement supérieur comme de la santé.

 

Quant aux transferts des tunisiens résidents à
l’étranger, ils continuent à progresser à un rythme soutenu et représentent
plus de la moitié des recettes touristiques. Pour les stimuler davantage,
des produits d’épargne ciblés devraient être développés, notamment, dans les
domaines de la création de projets d’investissement, de l’assurance-vie et
de la retraite complémentaire.

 

Monsieur le Président,

 

Le parcours de l’économie nationale en 2002 témoigne
de l’affermissement de sa capacité à surmonter les difficultés
conjoncturelles et ce, grâce à la pertinence des réformes engagées et à une
gestion macro-économique adaptée. Ce constat a été, également, déclaré dans
les commentaires publiés lors de la dernière amélioration de la notation
souveraine en 2003.

 

Dans le cadre de l’approche progressive et cohérente
qui caractérise la conduite des réformes structurelles, un intérêt
particulier devrait être, toutefois, accordé au renforcement de la
transparence et de la bonne gouvernance.

 

Certes, l’adoption des normes et des principes de
diffusion des statistiques et de l’information, pour une plus large
transparence de la situation et des prévisions de l’économie, a permis d’en
assurer le suivi et d’apporter le soutien approprié aux secteurs clés ; ce
qui a valu au pays d’être retenu, en 2002 et pour la première fois, dans le
classement mondial sur la compétitivité établi par le Forum économique de
Davos.

 

Néanmoins, le passage de la Tunisie d’une économie
d’endettement à une économie de marché réclame l’adhésion de l’ensemble des
opérateurs, notamment, le secteur privé.

 

Caractérisé jusqu’ici par des structures de gestion
plutôt familiales, ce secteur est, en effet, appelé à s’ouvrir davantage
afin de mobiliser l’épargne locale à travers le marché financier pour que sa
contribution à la croissance au cours du dixième plan puisse atteindre le
niveau prévu.

 

On notera pour l’année 2002 une baisse de
l’investissement privé imputable à la détérioration de l’environnement
international, à l’attitude attentiste des opérateurs dans la perspective de
l’élargissement de l’Union européenne et de l’Organisation Mondiale du
Commerce et du démantèlement prévu des accords multifibres. Par ailleurs,
les investissements demeurent orientés soit vers des secteurs saturés soit
de façon répétée dans l’immobilier, notamment ; ce qui contribue à affecter
davantage leur rentabilité et leur compétitivité interne et externe.

 

En vue d’insuffler à l’investissement une nouvelle
dynamique qui privilégie l’innovation, la qualité et la valeur ajoutée, le
secteur privé se doit d’être plus entreprenant pour s’attirer le capital
étranger. Il doit oeuvrer, notamment, à respecter les règles de transparence
et de bonne gouvernance pour développer un partenariat fructueux et durable.

 

D’ailleurs, l’adoption par l’entreprise des normes
et pratiques de bonne gouvernance devrait permettre d’accroître son
efficience par une meilleure organisation, une fluidité dans la circulation
de l’information et une systématisation du processus décisionnel. Elle
devrait également permettre l’optimisation de l’utilisation des capacités de
production existantes. Sur ce dernier aspect, le taux d’utilisation des
capacités de production, en tant qu’indicateur du degré d’efficacité du
capital et de

l’orientation des nouveaux investissements, milite
en faveur de son institutionnalisation à l’échelle tant globale que
sectorielle.

 

Il reste que, pour l’aider à réussir cette mutation
dans un environnement de plus en plus concurrentiel, l’entreprise doit être
protégée contre toute forme de concurrence déloyale, en particulier, la
prolifération des circuits non organisés.

 

Sur un autre plan, le renforcement des pratiques de
la transparence au niveau du secteur privé, notamment, par la migration
progressive vers le régime fiscal réel, est de nature à contribuer à une
plus grande maîtrise du déficit budgétaire et de l’endettement public.

 

La progression dans cette voie, qu’autorise le degré
de maturité atteint par l’économie nationale, en général et l’entreprise, en
particulier, hissera notre pays à un palier supérieur dans l’équité fiscale.

 

Monsieur le Président,

 

Au niveau de la sphère financière, l’application du
dispositif réglementaire, institutionnel et logistique, profondément remanié
au cours des dernières années, a révélé des insuffisances qui

affectent l’information financière dans sa fiabilité
et sa lisibilité.

Cela a contribué à la baisse de l’activité du marché
boursier et a occasionné un repli du taux de l’épargne.

 

Aussi, la transparence doit-elle être inscrite au
coeur de la problématique du développement de l’épargne financière pour
surmonter les difficultés qui entravent une plus grande contribution du
marché financier.

 

La transparence suggère, pour que l’information
financière soit lisible, comparable et accessible à l’ensemble des
investisseurs, le respect des standards définis par les tutelles, dont ceux
se rapportant aux notes sur les états financiers dans leur aspect favorisant
la pertinence, ainsi que pour les stratégies de développement sur le moyen
terme.

 

Dans cette optique, l’adoption et l’application
rapide de la norme de consolidation des comptes des entreprises sont de
nature à améliorer l’horizon de prévision et la visibilité pour tous les
intervenants.

 

Dans le même ordre d’idées, la mise en place d’une
base de données ouverte au public et pouvant être consultée à distance
constitue un instrument fort utile pour le développement du marché
financier, pour autant qu’elle soit exhaustive et actuelle.

 

La transparence requiert, par ailleurs, une
revalorisation de la fonction d’audit à travers le renforcement de
l’indépendance des auditeurs externes et des comités d’audit interne mais,
également, une représentation de l’ensemble des intérêts sociaux, le petit
actionnariat en particulier.

 

Monsieur le Président,

 

Dans le cadre de la dynamique libérale dans laquelle
la Tunisie s’est résolument inscrite, le défi consiste à laisser les
mécanismes de marché jouer pleinement leur rôle, en évitant cependant des
dysfonctionnements majeurs de l’ensemble du système financier qui feraient
peser des risques systémiques sur l’économie.

 

L’estompement des frontières entre la stabilité
monétaire et financière sous l’effet conjugué de l’extension de l’activitébancaire à de nouveaux produits financiers tels la bancassurance et,
surtout, du rôle de la Banque Centrale de Tunisie de prêteur de dernier
ressort, implique une réforme institutionnelle pour l’instauration d’une
collaboration étroite et organisée entre les autorités de contrôle et
attribuerait, à la lumière des tendances qui se dessinent à l’étranger, le
rôle de coordination à l’Institut d’Emission.

 

LE GOUVERNEUR

Mohamed DAOUAS

 

(Source: BCT)

Téléchargement :
version PDF