Incertitude

Par : Autres

  

Incertitude

  

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d’espoir de solution négociée. Tout le monde se résigne à la guerre et
chacun redoute ses effets sur l’économie, les échanges, le tourisme et les
mouvements de capitaux. Les frappes américaines en Irak auront pour cible le
cœur du système Saddam Hussein. Elles seront donc globales, totales,
dévastatrices et terriblement meurtrières pour disloquer les défenses
immunitaires du régime en provoquant son effondrement psychologique.
L’après-guerre pose aujourd’hui, au vu de la détermination américaine et la
résignation de tous, plus d’interrogations que la guerre elle-même qui a
déjà commencé dans les esprits.

Les Américains ont déjà fait connaître leurs intentions: remodeler la région
au mieux de leurs intérêts et de ceux d’Israël, leur principal allié dans la
région. Une telle vision sonnera le glas de l’intégrité physique et
territoriale de l’Irak qui tombera dans la trappe de l’histoire. Ils vont
solder ce qui reste du pays, aujourd’hui exsangue par perte et profit.

Il y a fort à parier qu’un tel scénario finira par soulever le couvercle
d’une boîte à pandore. Celui-ci nourrit déjà les frustrations, les rancœurs
pour ne pas entretenir à terme une instabilité chronique. La volonté
d’hégémonie américaine risque fort d’installer toute la région au sommet
d’un volcan.
La guerre en Irak est le pire des scénarios et le moins défendable. Un
terrible tremblement de terre d’une magnitude inégalée jusque-là sur
l’échelle géopolitique contemporaine. Les secousses se feront sentir dans
tout le Bassin méditerranéen, particulièrement dans sa version Sud. Nous
n’échapperons pas au souffle de la conflagration.

On tremble déjà à l’idée de voir nos entreprises affronter une deuxième
année consécutive de basse conjoncture alors qu’elles portent encore les
stigmates de la récession de 2002 qui fut, pour l’ensemble de l’économie,
une année particulièrement éprouvante. Nos entreprises, grandes ou petites,
y ont laissé beaucoup de leur énergie, de leurs moyens et souvent de leur
prétention.
Aux premiers coups de canons, elles paieront beaucoup plus cher leur facture
pétrolière, leur prime d’assurance, les frais de transport ; elles seront
moins à l’aise à l’intérieur et en difficulté sur les marchés tiers,
victimes eux aussi de la guerre, frappés de langueur, au creux de la vague.
La peur se lit dans la prudence des chefs d’entreprise qui grandit à mesure
que se rapproche l’échéance d’une guerre qui accuse la plus grande
concentration des moyens militaires aux effets les plus dévastateurs.

La peur naît de l’incertitude, et celle que diffuse l’agitation guerrière
des Etats-Unis n’est pas près de se dissiper. Elle n’est pas du meilleur
effet sur le moral des chefs d’entreprise. L’investissement se drape sous
les oripeaux d’une prudence excessive ; l’emploi en fera les frais.
On craint les effets d’un choc frontal sur l’industrie et plus encore sur le
tourisme et le transport aérien. On a rarement vu une guerre remplir les
avions et les hôtels. Et celle-ci moins que les autres, au regard du
contexte actuel de mobilisation antiterroriste. Cette guerre n’apaise rien,
elle risque en revanche de tout radicaliser.

Le tourisme tunisien saura-t-il, pourra-t-il sortir indemne d’une saignée de
deux années alors que pour un grand nombre d’hôteliers, les échéances
bancaires menacent d’étranglement? Et que dire des compagnies aériennes ?
Une grave instabilité au Moyen-Orient pourrait mettre hors piste notre
transporteur national dont l’activité se nourrit autant de régulier que de
charter et de fret. La guerre pourrait nous faire perdre plus de trois
points de croissance et plus grave encore, entre un et deux milliards de
dinars.

La deuxième guerre du Golfe ne sera pas moins désastreuse que la première
qui avait, en apparence tout au moins, un mobile. En 2003, la guerre qui se
joue sur fond de guerre asymétrique, fera beaucoup de dégâts dans le système
productif mondial. Nous devrons nous y préparer ; les entreprises doivent
échafauder des plans d’urgence, de secours; les partenaires sociaux doivent,
au prix de concertation, préserver l’essentiel du dialogue social. L’Etat,
qui a su démontrer par le passé une grande aptitude à gérer des situations
économiques inattendues ou imprévues, chahutées par l’intrusion de facteurs
exogènes saura, cette fois-ci encore, sous l’impulsion du Président Ben Ali,
puiser dans ses réserves et son crédit international pour atténuer les
effets d’une guerre dont nous ne voulons pas.


Hédi Mechri

Directeur de
l’Economiste Maghrébin

& du Magazine Le Manager