«Lumières d’Afriques», ou quand l’art nous éclaire sur les enjeux de l’accès à l’énergie

Par : Tallel

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54 œuvres d’art, créées par 54 artistes africains contemporains de renommée mondiale, pour chacun des 54 pays qui composent le continent, réunis autour d’une même source d’inspiration : l’Afrique des lumières.

C’est une belle exposition qui vient d’ouvrir ses portes sous les auspices de la Banque africaine de développement (BAD) et du fonds African Artists for Development (AAD), mercredi 27 avril 2016, à la Fondation Donwahi pour l’art contemporain, à Abidjan.

Photographies, peintures, sculptures, installations, vidéos et performances…, l’enjeu de l’accès à l’électricité en Afrique y est représenté sous toutes ses formes. Il suffit d’égrener quelques-uns des titres des œuvres ainsi exposées pour avoir un aperçu de la créativité qui nourrit l’exposition.

–          «Soleil pour tous» une acrylique sur toile du Rwandais Epaphrodite Binamungu
–          «ANGUKA (Chute)», des lettres en capitale partiellement éclairées pour composer ce mot «Anguka» de la Tanzanienne Rehema Chachage,
–          «Sous l’arbre du savoir», une sculpture de métaux recyclés et soudés, du Congolais Freddy Tsimba,
–          «Africa Dreams», une installation aux couleurs des pays africains de la Marocaine Jamila Lamrani,
–          «Ma lanterne», une composition de bois, métal et acrylique du Togolais Tété Camille Azankpo,
–          «Happy People», une peinture du Sud-Soudanais Deng Majid Chol,
–          la «Se´rie De´lestage», une mosaïque de photographies du Tchadien Abdoulaye Barry,
–          «Emity Na-Zahir (Changement climatique)», une huile sur toile colorée du Nigérien Ibrahim Chahamata…

«L’Afrique des lumières» se décline ainsi en 54 œuvres, chacune particulière.

Un espace pour briller 

«Cette exposition nous donne l’occasion de voir le potentiel de l’Afrique, sa capacité -ainsi que la nôtre- à accomplir de grandes choses», a déclaré le président de la BAD, Akinwumi Adesina, lors du vernissage de l’exposition, mardi 26 avril. Une douzaine des artistes exposés avaient fait le déplacement à Abidjan pour le coup d’envoi de cette manifestation.

Devant son tableau, à dominante noir et blanc que transpercent çà et là des personnages en couleur, le Libérien Leslie Lumeh explique qu’il s’agit d’une scène de Camden Camp Johnson Road, un quartier commerçant de Monrovia : «Chez nous, au Liberia, l’énergie est un problème grave. A 16 h-17 h, l’activité économique s’arrête, faute de lumière. Avant, c’était un quartier prospère». Mais d’ajouter, dans la foulée : «Dans chaque Africain, il y a un certain degré de lumière, qui demande juste un espace pour briller» 

«Le doute est désagréable mais la certitude est ridicule»: le message calligraphié en arabe à l’aide de clous fichés dans un carré de cire blanche compose l’œuvre de l’artiste algérienne Amina Zoubir. «Je me réapproprie le message du philosophe Voltaire, qui incarne le siècle des Lumières», explique la jeune femme. «Pourquoi la cire? Parce que ça me rappelle les délestages. Nous avons tous une bougie à la maison pour parer aux coupures d’électricité. La bougie est la première source de lumière et sans doute la plus économique, car sa mèche éclaire des heures durant». Amina Zoubir embrasse du regard la salle où sont exposées d’autres œuvres: «Une idée est toujours lumineuse».

Le photographe tchadien Abdoulaye Barry explique avoir pris ses photos de nuit, dans le quartier de Marjane Daffack, à N’Djamena: «Ca fait une décennie que N’Djamena vit dans le noir. J’ai pris mes photos de nuit, en profitant de l’éclairage qu’offraient les phares des voitures ou mobylettes qui passaient».

Éclairer l’Afrique, une priorité de la BAD

Si la BAD est ainsi associée à cette exposition, c’est que «Lumières d’Afriques» incarne l’une de ses 5 grandes priorités, l’un des «High 5» qu’a définis le président Adesina dès son entrée en fonction: éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie. Car, ainsi qu’il l’a souligné lors du vernissage, «il n’y a pas d’avenir, de croissance ni de progrès sans électricité». Ce que confirme l’un des doyens de l’exposition, le Ghanéen Paa Joe, l’un des plus importants artistes de sa génération, pionnier de l’art ghanéen des cercueils personnalisés: «le “business” ne peut pas se développer sans électricité». Avec son fils Jacob à ses côtés (le père lui transmet son art et son savoir-faire), Paa Joe observe les réactions des visiteurs face à son œuvre, «Electric Bulb», un cercueil niché dans une ampoule géante.

Plus de 640 millions d’Africains n’ont pas accès à l’énergie à ce jour. Il y a donc urgence à agir. Voilà pourquoi, sous l’égide de son président, la Banque a lancé, fin 2015, son New Deal pour l’énergie en Afrique

La Banque compte investir 12 milliards de dollars EU dans l’énergie au cours des cinq prochaines années. Et vise «un accès universel à l’électricité d’ici à 2025», a ainsi expliqué Audrey Rojkoff, coordinatrice des opérations du Fonds vert pour le climat au sein du Département de l’énergie, de l’environnement et du changement climatique de la BAD, face aux artistes et aux journalistes venus découvrir l’exposition quelques heures avant le vernissage. Et de souligner: «Il existe un lien évident entre le travail qu’accomplit la Banque africaine de développement et le message que délivre cette exposition».

«Ces artistes nous permettent d’accéder à la lumière de la créativité et à la lumière de l’excellence», a salué quant à lui le ministre ivoirien de l’Énergie, Adama Toungara, également présent au vernissage de l’exposition.

«Lumières d’Afriques» a été initiée dans le cadre de la COP21, lors de laquelle le continent africain a fait entendre sa voix pour défendre ses intérêts dans la lutte contre le changement climatique, grâce au soutien de la Banque africaine de développement et de ses deux partenaires, l’Union africaine / NEPAD et la Commission économique pour l’Afrique, qui lui ont donné une visibilité certaine au sein d’un Pavillon Afrique dédié.

Inaugurée à Paris, au théâtre national de Chaillot, en novembre 2015, l’exposition itinérante «Lumières d’Afriques» effectue à Abidjan sa première escale. D’autres capitales, en Afrique et ailleurs, suivront. La fondation Schneider Electric, Orange et le cabinet conseil Tilder sont également associés à l’exposition en tant que partenaires.  

Où ? – À la Fondation Donwahi, Boulevard des Martyrs, Abidjan, Côte d’Ivoire.

Quand ? – Du 27 avril au 6 juin 2016

Entrée gratuite. 

Info: http://www.lumieresdafriques.com/fr/