Chine : la guerre des “enveloppes rouges” fait rage entre les géants du Web

61261a7b346e2c4882eaa094330eb028f1a0f55f.jpg
évrier 2015 à Pékin (Photo : Greg Baker)

[18/02/2015 07:12:13] Pékin (AFP) La tradition chinoise d’offrir des étrennes dans des “enveloppes rouges” au Nouvel an lunaire connaît un regain de popularité sur internet, une opportunité en or pour les géants du web Alibaba et Tencent, en pleine bataille sur le lucratif créneau des paiements en ligne.

En fin d’année, il est d’usage en Chine d’offrir aux enfants des sommes d’argent d’un montant jugé de bon augure, dans un étui de papier rouge, couleur symbole de prospérité.

Les technologies 2.0 ont apporté un bain de jouvence à cette coutume, en permettant d’échanger des “enveloppes rouges” (“hong bao”)avec son smartphone.

“C’est plus commode, avantageux et amusant… et sans les frais des virements bancaires”, commente pour l’AFP Wang Le, Pékinois de 28 ans travaillant dans la culture.

A l’approche de l’année de la Chèvre, qui débutera jeudi, c’est selon lui un moyen de retrouver une magie enfantine révolue, qui transcende désormais les générations.

“Quant j’étais petit, c’étaient les aînés qui me donnaient des enveloppes. Mais avec ces étrennes électroniques, tout le monde peut naturellement en offrir, et on attend impatiemment d’en recevoir. Les règles du jeu sont renouvelées et excitantes!”, s’amuse le jeune homme.

– Loteries et coups bas –

La petite révolution a été initiée début 2014 par l’application de messagerie téléphonique WeChat (440 millions d’usagers actifs) opérée par le mastodonte du web Tencent.

Succès fulgurant: en dix jours, quelque 8 millions d’usagers échangent 40 millions d’enveloppes. Le montant minimal est modique (1 yuan, 14 centimes d’euro), et une option ludique permet la répartition aléatoire d’une somme parmi plusieurs destinataires.

88b5efc30c8dfc4f75f5753d32692a07d988bb2b.jpg
ée de la Chèvre débutera jeudi (Photo : Greg Baker)

Cette année, Alipay Wallet, système de paiement du géant du commerce électronique Alibaba, a musclé sa réponse. Il propose aussi à ses 190 millions d’utilisateurs d’envoyer des étrennes numériques, notamment via Weibo, plateforme de microblogs dont Alibaba est actionnaire.

Depuis trois semaines, la bataille fait rage: quand Alipay a activé une option pour transmettre des enveloppes rouges sur WeChat, Tencent s’est aussitôt empressé de les bannir de sa plateforme sous prétexte de “sécurité”. Le lendemain, WeChat bloquait également Xiami, service musical d’Alibaba.

Pour s’attirer les faveurs du public, les deux rivaux proposent de vastes loteries où ils distribuent eux mêmes des myriades d’enveloppes au gré de jeux en ligne.

Tencent s’est engagé à allouer sur dix jours, via les messageries WeChat et QQ, quelque 800 millions de yuans(114 millions d’euros) dans des enveloppes contenant entre quelques cents et 4.999 yuans.

Alipay a lui promis d’offrir 600 millions de yuans (86 millions d’euros). Des sommes auxquelles s’ajoutent encore quelques milliards de yuans en coupons et réductions commerciales, de la part d’entreprises en quête de publicité.

“C’est formidable, on récolte des fruits sans avoir rien semé”, se félicite Wang, qui tapote frénétiquement chaque matin la pluie de “hong bao” déferlant sur son smartphone.

Les espoirs suscités sont tels que les internautes malchanceux ont bruyamment exprimé leurs récriminations après la première distribution d’Alipay.

– Paiements mobiles –

Il ne s’agit pas pourtant de jouer au père Noël: en distribuant ces sommes spectaculaires de façon très médiatisée, les géants du web entendent grossir leur base d’usagers pour leurs systèmes de paiements en ligne.

Il faut en effet enregistrer ses coordonnées bancaires pour envoyer et recevoir des “hong bao” ou participer aux loteries.

“Utiliser cette tradition séculaire, c’est un moyen parfait d’attirer le grand public”, explique à l’AFP Liu Xingliang, président du cabinet pékinois Hongmai Software.

Une fois enregistrés, les internautes seront plus enclins à recourir spontanément aux paiements électroniques, “d’autant que les Chinois sont réputés faire des achats impulsifs”, souligne-t-il.

D’après le cabinet iResearch, Alipay contrôlait en septembre 82,6% du marché chinois des systèmes tiers de paiement en ligne mobile, contre 10% pour Tenpay (de Tencent).

Les deux systèmes sont notamment utilisés respectivement par les applications de réservation de taxi Didi et Kuaidi Dache, appuyées l’une par Tencent et l’autre par Alibaba.

Mais la part de marché de Tenpay n’était que de 4% avant la campagne “Enveloppes rouges” de WeChat début 2014. Jack Ma, l’emblématique fondateur d’Alibaba, ne s’y était pas trompé: il avait qualifié l’opération d'”attaque type Pearl Harbour” sur Alipay.

L’enjeu est de taille: en 2014 en Chine, les transactions via moyens de paiement tiers sur mobiles ont atteint 7.770 milliards de yuans. Une multiplication par six en un an, selon le cabinet Analysys.