Couper le cordon avec Londres est un pari économique risqué pour les Ecossais

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étrolière en mer du Nord (Photo : Antoine Agasse)

[17/09/2014 08:12:29] Londres (AFP) Au moment de choisir leur bulletin de vote jeudi, les Ecossais se demanderont si leur région deviendra plus prospère en cas d’indépendance ou si couper le cordon avec Londres comporte trop de risques économiques.

Les partisans et opposants de la sécession de la région septentrionale de la Grande-Bretagne, dont le poids économique équivaut à celui de la Finlande ou de l’Irlande, se sont écharpés pendant des mois pour convaincre.

D’après les nationalistes, rassemblés derrière le chef du gouvernement régional Alex Salmond, une Ecosse indépendante serait plus à même de fixer ses impôts, d’orienter son économie et de gérer ses revenus pétroliers une fois débarrassée de la tutelle londonienne.

Elle pourrait de surcroît, disent-ils, mener une politique redistributive plus en phase avec l’âme sociale écossaise, traditionnellement plus à gauche que la moyenne britannique, et sauvegarder la sécurité sociale (NHS) qui serait menacée de “privatisation rampante” par Londres. Bref, pour eux les 5 millions d’Ecossais sont les mieux à même de conduire leurs propres affaires.

Mais les unionistes, soutenus par les trois principaux partis de Westminster (conservateur, libéral-démocrate et travailliste), mettent en avant les dommages considérables que subirait une économie écossaise privée du soutien londonien.

Ils vantent les vertus d’une union douanière, fiscale et monétaire de plus de 300 ans entre l’Ecosse et ses voisins du sud, qui a permis à la région de valoriser ses atouts sur le marché mondial. Et mettent en garde contre les inconnues d’une aventure indépendante, y compris pour les 270.000 emplois écossais directement liés au commerce avec le reste du Royaume-Uni.

Partisans et opposants de la sécession s’accordent au moins sur un point: en cas de victoire du oui le 18 septembre s’ouvrira un grand marchandage entre Londres et Edimbourg pour fixer les conditions de leur divorce, avec une déclaration formelle d’indépendance prévue seulement le 24 mars 2016.

“Cela donnerait 18 mois aux politiciens et aux juristes pour établir un plan de partage des biens et des dettes”, résume James Knightley, du cabinet de recherche ING.

Selon cet économiste, “les principaux sujets de négociation porteraient sur l’usage de la livre sterling, la répartition de la dette publique et celle des gisements pétroliers”.

– Nervosité de la City –

La question de la monnaie, bien que technique, a figuré au coeur des débats, jusqu’à jouer les premiers rôles dans les affrontements télévisés entre M. Salmond et le porte-parole du camp du non, l’ancien ministre des Finances britannique Alistair Darling.

En cas d’indépendance, les nationalistes voudraient conclure une union monétaire avec Londres sous l’égide de la Banque d’Angleterre (BoE), gage d’une continuité rassurante pour les entreprises.

Mais les unionistes y sont opposés et, sans leur accord, les nouvelles autorités écossaises se verraient privées du soutien de la BoE comme prêteuse de dernier ressort. Elles seraient alors contraintes de trouver au moins 20 milliards de livres (25 milliards d’euros) pour constituer une réserve de fonds, a calculé le gouverneur de la BoE.

M. Salmond, en retour, a prévenu que l’Ecosse ne rembourserait pas sa quote-part de la dette publique britannique à Londres si Westminster lui refuse l’union monétaire…

S’invitant dans le débat, le prix Nobel d’Economie Paul Krugman a prévenu les nationalistes écossais que l’indépendance, combinée à la conservation de la livre qu’ils espèrent, ouvrait la voie à un “désastre”.

“Vous pensez que l’Ecosse pourrait devenir un nouveau Canada mais il y a au moins autant de chances qu’elle devienne une nouvelle Espagne, le soleil en moins”, a-t-il affirmé.

Reste que l’Ecosse obtiendrait sans nul doute la plus grosse part de la rente pétrolière britannique, les gisements de mer du Nord étant très majoritairement au large de son territoire.

Certains nationalistes rêvent de voir leur région devenir une nouvelle Norvège, une démocratie aux caisses bien remplies grâce à l’or noir, tandis que les unionistes préviennent qu’il est risqué de fonder le budget d’un pays sur une ressource aussi volatile.

Avec deux camps au coude-à-coude dans les sondages, la City de Londres a été gagnée par la nervosité face aux incertitudes qu’ouvrirait un vote oui. Les géants bancaires RBS et Lloyds ont ainsi menacé de déplacer leur siège social d’Ecosse vers l’Angleterre en cas d’indépendance.

Si le non semble remonter dans les enquêtes d’opinion ces tous derniers jours, “c’est sans doute plus le résultat de ces nouvelles financières” que celui de la campagne politique, juge Mark Diffley, directeur à l’institut de sondages Ipsos Mori.