Une bonne gouvernance bancaire est-elle possible dans la Tunisie postrévolutionnaire?

Les banques tunisiennes (publiques et privées), indiquent plusieurs expertises,
ont énormément souffert, pendant deux décennies, des ingérences politiques
clientélistes, des abus de pouvoir, du trafic d’influence, d’un déficit de
gouvernance flagrant et des pratiques prédatrices des uns et des autres. Ce qui
a poussé Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la
Banque centrale de Tunisie (BCT),
tout de suite après sa prise de fonction, au lendemain du triomphe de la
révolution de la liberté et de la dignité, à revoir à la loupe les performances
de l’ensemble du système financier dans le pays, à émettre une série de
circulaires, liées à la consolidation de la base financière des établissements
de crédit et au renforcement des autorités de contrôle, à encourager la mise en
place des audits exhaustifs internes et externes, à mettre en application les
standards internationaux, associés aux trois grands accords de Bâle I en 1988,
Bâle II en 2004 et Bâle III en décembre 2010, à appeler à l’amélioration du taux
de renouvellement des cadres et des compétences dans le secteur et à favoriser
l’émergence d’une législation bancaire conforme aux principes fondamentaux de la
bonne gouvernance.

“Il faut renforcer le cadre réglementaire et prudentiel dans le milieu bancaire,
entamer, dans la rigueur, la mise en place de Bâle II, préparer efficacement
Bâle III, assurer l’indépendance des autorités de contrôle et de supervision,
consolider les fonds propres requis, repartir sur une base plus seine et solide,
compléter par des mesures additionnelles le dernier circulaire 2011-06 de la BCT,
reconstituer les provisions, appliquer les exigences de transparence, adapter la
régulation monétaire, rendre compte, se porter garant de la disponibilité des
informations, prendre les mesures correctrices nécessaires, élaborer un plan de
réduction des créances compromises et veiller à ce que la qualité des nouveaux
crédits soit renforcé pour éviter que le stock ne s’accroisse”, déclare le
gouverneur de la BCT, dans la plupart de ses interventions publiques, pour qui
la direction des établissements bancaires doivent établir une hiérarchie des
responsabilités claires à tous les niveaux, considérer la gouvernance comme
partie intégrante de la protections des déposants, fixer des limites à
l’exposition au risque, prévenir les conflits d’intérêts, éviter les abus et
disposer, dans l’exercice de leurs attributions, d’une indépendance
opérationnelle, d’un cadre juridique approprié, de procédures transparentes et
de ressources adéquates.

En fait, d’après Amor Tahari, consultant international et ancien
directeur-adjoint au
Fond monétaire international
(FMI), la Banque centrale de
Tunisie, qui doit assurer sa propre bonne gouvernance interne, sauvegarder, à
l’avenir, son indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics et préserver la marge
de manœuvre de ces instances de contrôle et de surveillance, est en mesure de
tirer les leçons du passé, d’élargir son rôle, traditionnellement confiné à la
stabilité monétaire, de s’attaquer aux carences du système financier du pays, de
permettre une meilleurs transmission des politiques monétaires à travers
l’économie, de renforcer la supervision, de réformer en profondeur, de s’adapter
aux innovations technologiques, d’identifier les menaces potentielles, liées à
l’évolution macroéconomique et aux marchés de capitaux, d’améliorer la confiance
des agents économiques, des investisseurs, des déposants et des créanciers, de
favoriser une meilleure allocation des ressources et de promouvoir, dit-il, des
instruments macroprudentiels en plus des instruments microprudentiels existants.

Au final, si la Tunisie postrévolutionnaire et démocratique, assurent plusieurs
observateurs nationaux et internationaux, fait face, depuis plus d’une année, à
des défis économiques et sociaux majeurs, liés au challenge de l’emploi, de
l’insertion, dans le cercle vertueux de la productivité, des milliers de
diplômés de l’enseignement supérieur et de la réalisation d’une croissance
élevée d’au moins 7%, le bon fonctionnement du secteur bancaire du pays peut
jouer un rôle essentiel dans la relance de la machine productive nationale, le
renforcement de l’attractivité du site Tunisie, nécessaire à la captation des
IDE, l’accompagnement des entreprises exportatrices, la promotion des régions
défavorisées et la contribution à l’émergence de Tunis… Place financière
régionale grâce à la qualification.