Le caviar d’Aquitaine plaît mais peine à trouver une stratégie à l’export

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é de la société Sturgeon, en Aquitaine, pèse une boîte de caviar (Photo : Derrick Ceyrac)

[20/12/2011 07:52:26] BORDEAUX (AFP) Le caviar d’Aquitaine connaît un succès croissant depuis son éclosion au milieu des années 90, mais les producteurs en Gironde ou Charente-Maritime peinent à s’entendre pour structurer la filière et affiner une stratégie commerciale commune pour le marché à l’export.

Grâce à des cours d’eau naturels et des sources d’eau chaude provenant d’anciens sites pétroliers qui assurent une température constante dans les bassins, les débuts prospères de la mention caviar d’Aquitaine se confirment. De nombreux chefs étoilés le proposent aujourd’hui sur leurs cartes pour mettre en avant des productions françaises de qualité.

Aucune des quatre entreprises du Sud-Ouest ne peine à commercialiser ses produits, les boîtes estampillées caviar d’Aquitaine se retrouvent aussi bien sur le marché du luxe à plus de 2.000 euros le kilo, qu’à moitié prix en supermarché.

Ils produisent chaque année quelque 20 tonnes d’oeufs d’esturgeons de Sibérie, le Baerii, pour un marché mondial du caviar d’élevage de 120 tonnes.

Mais leurs stratégies divergentes freinent la procédure engagée voici déjà trois ans pour l’obtention d’une Indication géographique protégée (IGP).

Pourtant, selon Michel Berthommier, actionnaire majoritaire de l’Esturgeonnière, qui utilise les mentions “caviar de Bordeaux” ou “caviar d’Aquitaine” sous la marque Perlita, “si on veut encore exister sur notre filière microscopique, il nous faut être capables de mettre quelque chose en commun pour rayonner à l’étranger”.

La société Sturgeon, qui produit 12 tonnes en Charente-Maritime, concède que “cette démarche est nécessaire pour protéger une qualité réputée, liée à un savoir-faire, à des années d’expérience et à des terroirs”.

M. Berthommier, qui produit quatre tonnes annuellement, pense comme ces concurrents que la viabilité n’est possible que par la seule reconnaissance d’un savoir-faire identifié. “En Chine des investissements ont fait naître des millions d’alevins qui vont produire dans quelques années”, s’alarme-t-il.

D’où son souhait de soutenir une structuration de la filière et faire évoluer le terme générique “caviar d’Aquitaine” vers une IGP et son strict cahier des charges commun.

“En Asie, on me dit que la clientèle veut manger français, la stratégie commerciale à l’export est de faire des +produits français+ reconnaissables” car “le savoir-faire français rayonne dans le monde”, assure-t-il.

Remplacer le Baerii sibérien par “l’esturgeon du coin”

Pour que la mention “caviar d’Aquitaine” prenne toute sa dimension, le rêve serait de surcroît d’abandonner le Baerii pour élever le Sturio, “l’esturgeon du coin”, selon M. Berthommier.

Appelé esturgeon européen, le Sturio a complètement disparu du milieu naturel sur le continent, sauf dans l’estuaire de la Gironde où l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) mène une politique de réintroduction en relâchant depuis 2007 quelque 380.000 alevins.

Les producteurs, rémunérés, sont associés dans cette démarche en mettant à disposition leurs écloseries dans le cadre d’un partenariat public-privé.

Mais les élever jusqu’à maturité serait “un investissement considérable”, explique Michel Berthommier, car il faut plus de dix ans à une femelle Sturio pour se reproduire et fabriquer des oeufs. De plus, il s’agit d’un poisson d’eau salée pour lequel il n’existe aucun recul sur son élevage en bassin.

“Si un mécène peut financer ce développement et attendre plus de 10 ans, pourquoi pas”, préfère s’en amuser M. Berthommier.