Tunisie – Maghreb : Lorsque la Libye attire déjà les convoitises!


libye-30092011-art.jpgLa France et la Grande-Bretagne ont déjà initié une grande conférence
internationale sur l’avenir de la Libye. Au programme, le “partage du butin de
guerre libyen“, en quelque sorte. L’Italie, le Qatar et les Emirats Arabes Unis
se bousculent également au portillon. La Chine et la Russie seraient les
perdants pour avoir traîné les pieds dans leur soutien aux révolutionnaires.
Mais les choses ne sont pas aussi simples. Beaucoup de paramètres rentreront en
jeu le moment venu.

C’est parti. Paris accueille, donc, le 1er septembre 2011, une grande conférence
internationale sur l’avenir de la
Libye post-Kadhafi. L’annonce a été faite, le
24 août , par le président français, Nicolas Sarkozy, à l’issue d’un entretien
avec Mahmoud Jibril, Premier ministre du Conseil national de transition de la
Libye (CNT), l’organe politique des révolutionnaires, que la France a été la
première à reconnaître.

Tout le monde devine le pourquoi de cette conférence, dont l’initiative est
franco-britannique. Pour de nombreux analystes, en effet, les pays qui ont aidé
les révolutionnaires en Libye à déloger le régime de Kaddafi –la France et la
Grande-Bretagne en tête- souhaitent profiter amplement du gâteau libyen qui
s’offre à eux.

Cela d’autant plus que les chefs du CNT ont annoncé que la récompense ira aux
pays qui ont soutenu la révolution. Soit la France, la Grande-Bretagne, mais
aussi d’autres pays comme le Qatar et les Emirats Arabes Unis, qui ambitionnent
déjà, depuis quelque temps, d’avoir un rôle dans la région.

2% de la production mondiale


Des révélations faites par la presse britannique et américaine nous renseignent,
à ce propos, sur l’engagement de ces pays. Qui, outre les bombardements
successifs, qui ont affaibli les forces fidèles à Mouammar Kadhafi, ont fait
bénéficier les troupes révolutionnaires de services importants en matière «de
désignation de cibles, de coordination entre fronts terrestre et aérien, de
fourniture d’armement et d’instruction” (voir à ce propos les révélations du
Daily Telegraph du 25 août 2011 sur le rôle des SAS -Special Air Service-
britanniques).

Et le butin de guerre n’est pas des moindres. En effet, outre la manne
pétrolière (2% de la production mondiale et 1,6 million de barils par jour avant
le déclenchement de la révolution), il s’agira de reconstruire des pans entiers
d’un pays qui en a que trop souffert: routes, ponts, édifices, immeubles
d’habitation…

Le pays offre, de plus, de grandes opportunités, aux dires de nombreux
économistes, pour les investisseurs. Et ce quelle que soit l’activité: tourisme,
agriculture, industrie… Pour un pays immense (1,7 million de kilomètres carrés)
et une population estimée entre 6 et 8 millions d’habitants.

La France, qui a convoqué cette grande conférence sur l’avenir de la Libye,
compte être un des principaux bénéficiaires de ce butin de guerre. D’autant plus
que le président Sarkozy a en la matière, dit-on, une revanche à prendre.

Un contrôle total sur le pétrole libyen


Accueilli en grande pompe à Paris, en décembre 2007, par Nicholas Sarkozy,
l’ex-leader libyen s’était carrément moqué du premier, fraîchement élu à la
magistrature suprême.

Tous les accords signés, que ce soit au sujet de la fourniture du nucléaire
civil à la Libye, l’achat par le régime de Kadhafi de 21 avions de transport
Airbus et de 14 avions militaires Rafale, n’ont pas été honorés par la Libye.

Dans un récent débat initié par Russia Tooday, la chaîne satellitaire de
télévision publique destinée à l’étranger, sur l’après-Kadhafi, un des
commentateurs avait utilisé un jeu de mots combien révélateur: «Les Français
veulent un contrôle total sur le pétrole libyen». Ajoutant qu’«un des premiers
Français à s’être rendu à Benghazi en mars 2011 était un représentant de Total».

L’Italie, ancienne puissance coloniale qui a beaucoup d’intérêt en Libye, où
elle ne compte pas moins de 130 entreprises dont l’ENI, société d’hydrocarbures,
est solidement installée depuis 1959, a déjà marqué des points.

La rencontre entre le numéro deux du Conseil national de transition (CNT),
Mahmoud Jibril, et le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, à Rome,
le 25 août 2011, aurait déjà abouti à des accords.

L’Italie a annoncé qu’elle était prête au dégel de 350 millions d’euros (presque
le double en dinars tunisiens) d’avoirs libyens pour parer aux urgences du pays.
Un accord serait signé, par ailleurs, dans les prochains jours, à Benghazi pour
fournir les quantités de gaz et d’essence nécessaires à la population, sans
paiement immédiat. Et des accords ont déjà été pris pour «des aides en matière
de formation de personnel médical et de militaires».

«Un comité d’entente entre le Conseil national de transition et le gouvernement
italien sera formé, en outre, pour relancer la coopération bilatérale».

Réponse du berger à la bergère


La Chine et la Russie pourraient perdre beaucoup au change pour avoir traîné les
pieds pour soutenir la révolution libyenne. Pour ne pas dire plus: des analystes
soutiennent que ces deux pays ont tenté de bloquer les décisions de «la
communauté internationale en faveur des révolutionnaires libyens».

Des voix libyennes se sont déjà élevées pour le signifier. Abdeljalil Mayouf,
directeur de l’information de la compagnie pétrolière Agoco, aux mains des
révolutionnaires, avait déclaré, lundi 22 août 2011, que «les opposants au
régime de Kadhafi ne voyaient pas d’inconvénient à la présence d’entreprises
occidentales, mais que la situation pourrait se révéler plus tendue avec la
Russie, la Chine et le Brésil».

Réponse du berger à la bergère, côté chinois. “Nous espérons qu’après un retour
à la stabilité, la Libye continuera de protéger les intérêts et les droits des
investisseurs chinois, et nous espérons poursuivre nos investissements et notre
coopération économique avec la Libye”, a déclaré, le lendemain, Wen Zhongliang,
directeur adjoint du département du commerce extérieur au ministère chinois du
Commerce, pensant, sans le moindre doute, à l’approvisionnement de son pays,
grand consommateur d’énergie, en pétrole.

Outre l’approvisionnement en pétrole, la Russie a, pour sa part, de grandes
craintes pour le marché libyen.

Beaucoup d’eau coulera, d’ici là, sous les ponts


A en croire notre confrère français, Rue 89 (voir l’article de Marie Kostrz du
25 août 2011, «Libye: Quand la France jubile, la Russie désespère»), l’Agence
russe d’exportation d’armement, Rosoboron Export, compte augmenter de 9,2
milliards de dollars (environ 12,5 milliards de dinars) le volume de ses
livraisons en 2011, et ce malgré les pertes causées par l’embargo onusien sur
les ventes d’armes en Libye: «A lui seul, a coûté 4 milliards de dollars
(environ 5,5 milliards de dinars) aux fournisseurs russes».

A en croire, aussi, notre confrère, la Russie fait, cela dit, preuve d’une
certaine «étroitesse». «Elle semble dubitative sur le printemps arabe, qu’elle
associe aux révolutions des anciens satellites de l’Union soviétique. A
l’époque, elles s’étaient plutôt soldées par des échecs».

On devine que d’autres pays croient perdre ou gagner après l’installation des
révolutionnaires au pouvoir en Libye. Mais ce qui semble être une vérité
aujourd’hui ne le sera pas automatiquement demain lorsque le train de la
reconstruction du pays sonnera.

Outre le fait que beaucoup d’eau coulera, d’ici là, sous les ponts, des
paramètres comme la géopolitique, les pressions que ne manqueront pas de faire
des acteurs –les Chinois et les Russes- qui pèsent sur l’échiquier mondial et…
la proximité semblent essentiel dans ce jeu où tout se négocie. La Tunisie, qui
a offert l’hospitalité à des milliers de Libyens, devrait être, à ce titre, un
bénéficiaire. Ceci dit, entre les Arabes il y a toujours des surprises. Et donc,
si la Tunisie n’était pas associé à l’effort de construction de son voisin du
sud-est, cela ne devrait pas étonné outre mesure, et ce d’autant plus que le
gouvernement de transition a “trop“ tardé avant de reconnaître le Conseil
national de transition libyen… Et même si elle a ouvert une représentation
commerciale à Bengazi depuis fin juin 2011. Mais espérons que ça ne sera pas le
cas… Sinon ce serait une grande injustice et un énorme gâchis!

Le président Sarkozy l’a déjà compris. Il a convié la Chine, la Russie et le
Brésil au rendez-vous du 1er septembre 2011. En faisant la déclaration suivante:
“Notre intention, c’est très clairement d’inviter nos amis chinois, nos amis
russes, nos amis brésiliens, les Indiens“. Ce qui veut tout dire.