Entreprise et identités virtuelles

entreprise-virtuel-21072011-art.jpgJ’ai assisté à une soutenance de thèse* sur la crise d’identité que peut
provoquer l’entreprise virtuelle. Dans le virtuel, par définition, il n’y a pas
de cadre ou de repères espace qui soient stables, on n’est pas ensemble dans un
bureau du matin au soir.

La problématique est donc de constater un désengagement des salariés, une
démotivation, du fait de la non-identification à l’entreprise. Démotivation,
d’où recul du rendement, voire désengagement total.

Plusieurs questions se posent: est-ce que le virtuel est réellement porteur de
ce danger qu’est la fracture identitaire? Est-ce que le salarié risque vraiment
de ne pas s’identifier à l’entreprise parce qu’il ne connaît pas les autres,
parce qu’il n’existe pas d’horaires fixes, de bureau, de cantine, etc.? A
priori, le processus de socialisation classique n’est, en effet, plus à l’œuvre.

La fracture identitaire en soit, est-ce un danger? N’est-elle pas au contraire
dans l’ordre des choses? L’identité est-elle justement qu’une entité figée,
monolithique, faite d’une seule dimension, et qui risque donc d’être bouleversée
voire brisée par ce nouveau mode organisationnel qu’est le virtuel?

En gros, est-on tout ce que l’on est… au travail? Notre identité de sujet se
résume-t-elle à celle de salarié? Et celle de salarié… se résume-t-elle à ce
rapport avec l’entreprise, un rapport physique et social en grande partie dans
l’organisation classique…?

L’identité n’est-elle pas un mélange…, un bouilli, une constellation de
plusieurs identités, différentes mais cohérentes? La personne a une identité au
travail, en famille, une autre au stade de football, une autre en faisant la
prière, etc.

Cette opportunité extraordinaire qu’est le virtuel, la possibilité de travailler
à distance, c’est-à-dire peu importe où on est, à quelles heures on peut
travailler, ne vient-elle pas au contraire résoudre des conflits toujours
récurrents en entreprise, et qui relèvent de la non convergence des identités?

Internet en général, FB et les réseaux sociaux en particulier, n’ont-ils pas eu
ce succès phénoménal, et proprement révolutionnaire de ce début de troisième
millénaire, grâce à ce jeu des identités qu’ils ont permis…? On est qui on veut,
précisément, qui on veut être, qui on veut montrer, et cette interface qu’est
l’écran de l’ordinateur nous sert de masque, à l’instar des masques des bals
masqués Vénitiens….

N’est-ce pas plus confortable pour l’individu? N’est-ce pas un accélérateur de
la communication et non pas un frein…comme on aurait tendance à le penser?

Derrière un écran, le corps disparaît, la voix disparaît, l’humeur du jour
disparaît, on peut tout façonner, de cette image du soi qu’on renvoie aux
autres…? Le vocable et la communication écrite, elle-même, ne sont-ils pas plus
simples, plus épurés, moins polyvalents, moins ambigus, que la communication
face à face?

En rappelant que 93% du contenu de la communication est d’ordre non verbal,
l’information «objective» portée dans la communication n’est-elle qu’à 7%!
Autrement dit, 93% du message qui passe de l’émetteur au récepteur est dans les
gestes, dans le regard, dans la posture… l’émotionnel, par opposition au
cognitif.

Un grand champ de recherche et des pistes très vastes à explorer, le virtuel
semble bien représenter un levier de croissance, et surtout de développement,
puisqu’il offre la possibilité de travailler à tout un chacun, quel que soit
l’endroit où il habite, quels diplômes il a, etc. du moment qu’il a un talent à
vendre, un «skill»!