OPINION Tunisie : «Leaders» ou «dealers»?

leader-1.jpgUn «leader» désigne une personne à la tête d’un mouvement ou d’un groupe. Un «dealer» désigne un revendeur de drogue. Au delà de la dimension dangereuse et prohibée du produit, on est tenté de croire que nos «leaders» politiques sont des «dealers». Ils vendent une catégorie de narcotiques, certes moins physique, destructive et illicite, mais tout autant dangereuse surtout en période de transition démocratique.

Face à des attentes incommensurables et à des espoirs inouïs sur fond de conjoncture difficile, nos «leaders-dealers» vendent des somnifères pour tenter d’endormir encore et toujours les parties les moins éveillées ou celles qui ont tendance à se rendormir le plus vite. Certains se spécialisent dans la vente de soporifiques et d’hypnotiques. D’autres consomment ce dont ils font commerce, des anesthésiants.

Face à une jeunesse dopée par une liberté chèrement acquise mais en manque de dignité, de travail, de justice, d’équité, on avance à reculons dans une partie de poker où les «dealers» distribuent les cartes. Ils sont capable de compter rapidement afin d’évaluer la situation et essayent de mettre tout le monde au tapis. Ils achètent ici et là des jetons supplémentaires. D’ici le 24 juillet, les combinaisons auront le temps de se faire, défaire et refaire.

Entre temps, en face, la conscience populaire convaincue de la légitimité de ses droits, structure le mouvement et se fait plus que jamais «leader» à la place des «leaders».En ces temps où les partis se multiplient à vitesse grand V, rares sont ceux qui parviennent à communiquer, rassurer, établir le contact et encore moins à convaincre.

La révolution doit changer le quotidien, la vie, les décideurs… Elle doit changer la donne et répondre à de très nombreuses attentes. Cela prend du temps, et pour le moment, nous en sommes loin.

Ceux qui ne sombrent pas dans la dépression plongent dans le désarroi et la peur. Alors que les autres se rebellent et s’impatientent. Ceux qui ont à gagner s’adressent difficilement à ceux qui n’ont rien à perdre mais tout à construire. Un fait est sûr: tous ou presque refuseront désormais les hallucinogènes.

Pour le moment, on entend ceux qui font le plus de bruit. Ils se sont désignés «leader» mais fonctionnent avec les vieux réflexes de «dealer». Merci système déchu mais pas encore révolu!

Ceux qui en appellent à rester sans «leader» savent que la société civile pourra faire l’affaire avec un judicieux mélange d’institutions, de forces politiques, de syndicats et d’associations. Eux aussi peinent, mais arriveront à bâtir un front démocratique pour une Tunisie moderne et progressiste.

Les jeux des pouvoirs, des négociations, des influences et des contre-influences sont de nouveaux jeux et de gros enjeux. Les égos se gonflent et se dégonflent. On ne s’y entraîne pas forcément méthodiquement ni également mais la sagesse qui a conduit à cette révolution saura aider la Tunisie à poursuivre son chemin. Sans narcotiques ni dealers!