Tunisie : La communication publique du temps de Ben Ali

Malgré les discours, la profusion de réflexions, de formations et de textes, la communication publique, était inscrite dans un cadre immuable, celui de la parole unique.

Le ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, n’a pas manqué de faire remarquer, le 1er février 2011, devant les caméras de Hannibal Tv, que la communication de son département souffrait de n’agir qu’a posteriori et de ne pas épouser les contenus nés des technologies de l’information, et notamment les réseaux sociaux.

En faisant cette remarque, le nouveau membre du gouvernement de transition levait le voile sur des insuffisances de la communication publique. En effet, malgré les discours, les réflexions menées dans le cadre de nombreux séminaires et autres journées d’études, les formations dispensées et les textes promulgués, la communication publique évoluait dans de véritables carcans qui voulaient l’inscrire dans un cadre immuable, celui de la parole unique.

Réellement formatée, celle-ci ne favorisait aucune déclaration importante en dehors d’un cercle restreint de personnes. Les grands choix du pays et les grandes décisions étaient l’affaire du seul chef de l’Etat qui les présentait dans des discours bien préparés. Et lorsque cela n’est pas le cas, ce dernier «délègue» pour ainsi dire sa prise de parole. Laquelle délégation  est toujours annoncée au préalable par des expressions du genre «sur instructions de…» comportant nombre de phrases pour signifier que c’est le président de la République qui est pratiquement à l’origine de tout. Combien de responsables ont, du reste, été congédiés ou se sont faits tapés sur les doigts pour avoir alerté sur une décision qui devait être l’apanage de l’ancien président ou pour ne pas avoir parlé «politiquement correct».

Des instruments de propagande

Un schéma et une réalité qui se vérifient au niveau de toutes les structures de l’Etat lorsqu’il s’agissait de répondre aux interrogations de la presse et des interlocuteurs de l’administration et notamment des citoyens. Créés au niveau de tous les ministères et des établissements et entreprises publiques, les “bureaux de presse et des relations avec les citoyens“ étaient des instruments de propagande usant d’un modèle basé sur une communication descendante qui se souciait d’abord de présenter «les acquis et les réalisations engrangés par tous les secteurs au cours des années du Changement».

Les quelques moments de crise montraient combien cette communication était défaillante. On se souvient que lors de l’attentat contre la synagogue de Djerba, la Griba, au printemps 2002, la version longtemps véhiculée fut celle d’une déflagration d’une bouteille de gaz!

Cette manière d’emprisonner la parole publique obéissait à une architecture qui rendait vaine toute possibilité d’échapper à ce qui ressemble à un verrouillage. Expression de ce verrouillage? Tous ceux qui sont chargés de la communication publique ne peuvent s’offrir aucune initiative. Le moindre communiqué, dépliant ou encore rapport d’activité sont réalisés sous la tutelle et la responsabilité directe du premier responsable de la structure concernée qui ne manquait pas de travestir la vérité. Les personnes chargées de la communication sont, en outre, souvent -à dessein- déconsidérées. Il est ainsi rare qu’elles assistent aux réunions qui comptent ou qu’elles soient mises au parfum des grandes décisions et des politiques engagées.

Ces dernières n’ont, par ailleurs, que rarement une réelle perspective d’évolution de carrière. Comme leurs fonctions ne sont pas toujours inscrites dans les organigrammes des structures du service public.