En France, des entreprises contournent les agences de notation

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éfense en juillet 2009. (Photo : Loic Venance)

[03/09/2010 14:20:06] PARIS (France) (AFP) Dans leur quête de financement, de plus en plus de grandes entreprises françaises, à l’instar d’Air France-KLM et Lagardère, s’affranchissent de recourir aux services des agences de notation, qui voient ainsi le coeur même de leur métier contesté.

“La notation est un processus long, lourd, coûteux et qui crée des contraintes supplémentaires”, souligne M. Marc Verspyck, directeur des Affaires financières d’Air France, qui estime que les agences ne sont pas “les seules à pouvoir réaliser une analyse de crédit fine et pertinente”.

Traditionnellement, les entreprises cherchant à lever des fonds demandent à une agence de notation –en général Moody’s Investors Service, Fitch Ratings et Standard & Poor’s– d’évaluer leur capacité à rembourser cette dette.

Ce label leur permet de solliciter des emprunteurs, notamment étrangers, qui ne les connaissent pas. Mais cette démarche est coûteuse et peut se retourner contre l’emprunteur quand l’agence décide de dégrader sa note.

Le 24 septembre 2009, le groupe Lagardère, l’une des vedettes de la Bourse de Paris, à la recherche de liquidités, sollicite, avec succès, les investisseurs en émettant des titres de créance pour 1 milliard d’euros.

Mais sur le prospectus de Lagardère, pas de “A” ou de “B”, ces marques de la qualité du “papier” émis décernés par les agences, selon un classement qui va de “AAA” pour les meilleures à “D” pour les emprunteurs en faillite.

Le choix de ne pas recourir à une agence montre que, “en ce moment, ce sont les entreprises qui ont la main”, explique à l’AFP Juan Valencia, stratégiste crédit chez Société Générale à Londres.

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ège de Lagardère Active à Paris le 11 mars 2009. (Photo : Eric Piermont)

“Lagardère a une très forte image, il n’a pas besoin qu’on lui décerne une note”, confirme Gabriel Levy, coresponsable des émissions obligataires chez Natixis, conseil du groupe de médias lors de l’opération.

De fait, le nombre d’entreprises levant des fonds sur le marché obligataire sans faire appel à une agence ne cesse de croître en Europe, et notamment en France, s’alarme Fitch dans une étude publiée en juillet. Les émissions obligataires non notées sont ainsi passées de 1% en 2008 à 13% fin 2009.

En moins d’un an, Air France-KLM (transport aérien), Safran (équipements aéronautique), Christian Dior (luxe), les Galeries Lafayette (distribution), Havas (publicité) et Rallye (distribution) ont émis du “papier” sans le sceau d’une agence de “rating”.

“Ces sociétés ont le soutien des investisseurs nationaux”, explique M. Valencia.

Air France estime de son côté que son métier est “transparent” et connu de tous.

Même credo aux Galeries Lafayette: “Nous sommes suffisamment connus et solides”, argue le directeur financier Ugo Supino. “On a (donc) considéré qu’on n’avait pas besoin de notation”.

Selon les analystes, les investisseurs sont prêts à investir entre 2 et 3% de leurs portefeuilles dans les placements non notés.

“Le marché montre de l’appétit pour les émetteurs nouveaux et de taille intermédiaire même sans notation, alors pourquoi se mettre une +épée de Damoclès sur la tête+ en se faisant noter par une agence ?” relève M. Levy.

Outre le coût d’un “rating” (entre 50.000 et 100.000 euros), s’ajoute une méfiance envers les agences, dont le rôle est régulièrement critiqué depuis l’éclatement de la crise.

La plupart des entreprises qui se passent de “rating” sont de taille moyenne. Si une très grosse entreprise comme France Télécom devait décider de se passer de notation, “ce ne serait pas un bon signe pour les agences”, avance M. Valencia. Il estime toutefois qu’il y a “peu” de chances qu’un tel scénario se concrétise, car “beaucoup d’investisseurs sont obligés d’éviter des papiers sans note”.