La présidente argentine puise dans les réserves au risque d’une crise

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ésidente argentine Cristina Kirchner , le 1er mars 2010 à Buenos Aires (Photo : Pablo Martinez Monsivais)

[02/03/2010 08:15:37] BUENOS AIRES (AFP) La présidente argentine Cristina Kirchner a illustré lundi la façon dont elle entend désormais gouverner, puisant dans les réserves de la Banque centrale à l’aide d’un nouveau décret malgré une interdiction par la justice et une opposition majoritaire au Congrès.

Mme Kirchner a créé la surprise en annonçant en même temps l’abrogation du décret qui avait déclenché une grave crise institutionnelle dans le pays et la signature d’un autre permettant également de disposer de 6,5 milliards des réserves monétaires pour payer la dette de 2010.

Intervenant pour l’ouverture de la session annuelle, assise aux côtés de son ennemi déclaré le vice-président Julio Cobos, la présidente a déclaré avoir “abrogé le décret 2010” et créé un autre qui revenait à le ressusciter.

On s’attendait à ce que Mme Kirchner annonce le dépôt d’un projet de loi, ce qui aurait eu l’avantage de caresser la nouvelle majorité dans le sens du poil en lui permettant de donner son avis.

Le parti au pouvoir ayant perdu sa majorité lors des législatives du 28 juin, une telle tactique aurait permis à la présidente de paraître chercher un consensus.

L’opposition s’apprêtait à voter mercredi au Sénat le rejet du décret autorisant le gouvernement à puiser dans les réserves pour payer la dette de 2010 (18 milliards de dollars, dont 5 milliards d’intérêts).

Immédiatement après, des journalistes qui demandaient des explications au ministre de l’Intérieur Florencio Randazzo se sont vus répondre : “Cette discussion n’a plus de sens : les fonds sont en train d’être transférés”.

Un porte-parole de la Banque centrale confirmait : “Le directoire de la Banque centrale a pris acte des décrets de la présidente, a décidé la création de deux comptes du Trésor et a viré les fonds”.

“Ce qui aurait été sensé, aurait été d’accepter qu’il fallait changer”, déclare Rosendo Fraga, de l’institut Nueva Mayoria. “Kirchner redouble la mise, alors que la situation exigeait de faire preuve de modération”, dit-il.

Pour Ana Maria Mustapic, de l’Université Torcuato Di Tella, cette stratégie est intenable à moyen terme car “la recherche de l’affrontement est auto-destructrice”.

Face à un Congrès hostile, Mme Kirchner pourrait donc choisir “tantôt l’affrontement, tantôt la coopération”. “L’opposition n’est pas unie : le gouvernement pourra constituer des majorités ponctuelles”, explique-t-elle.

Lundi soir, toutefois, l’opposition a réagi avec indignation et promis une riposte judiciaire et politique.

“Nous allons porter plainte au pénal et nous réunir en session pour annuler ce décret”, a déclaré Elisa Carrio (Coalition Civique). “La justice et le Congrès ne s’attendaient pas à ce que la présidente les méprise”, a dit Federico Pinedo, de la droite libérale (Pro).

Mme Kirchner avait repris en main la Banque centrale début février, en nommant à sa tête une fidèle en remplacement de Martin Redrado, destitué après un long bras-de-fer.

Mme Marco del Pont avait défendu en 2005 la décision de l’ancien chef de l’Etat Nestor Kirchner (2003-2007), époux de la présidente, de puiser 9,5 milliards de dollars dans les réserves pour régler sa dette au Fonds monétaire international (FMI).

C’est en voulant l’imiter, que Mme Kirchner avait déclenché une crise institutionnelle. Devant le refus de M. Redrado de libérer les réserves, elle avait décidé de le limoger par décret, sans consulter le Congrès, comme le prévoit la charte de la Banque centrale.

Dès le lendemain, une juge avait rétabli M. Redrado dans ses fonctions, mais son renvoi avait été ensuite approuvé par une commission bicamérale finalement convoquée par Mme Kirchner.