Le salaire minimum à nouveau sur le tapis en Allemagne

photo_1266662571886-1-1.jpg
ée d’un magasin Lidl à Berlin le 10 avril 2008. (Photo : John Macdougall)

[20/02/2010 10:44:35] BERLIN (AFP) Un distributeur de mauvaise réputation, un syndicat et le très libéral vice-chancelier ont à leur manière alimenté cette semaine le débat sur l’absence de salaire minimum en Allemagne, un dossier qui n’évolue qu’à pas comptés.

Le géant du discount Lidl, un des employeurs les plus critiqués du pays, a créé la surprise en milieu de semaine en se déclarant en faveur d’un salaire plancher afin de “freiner le dumping salarial que l’on observe par endroits”.

Ce que souhaite Lidl, dont le blason est terni par plusieurs scandales d’espionnage d’employés, ce n’est toutefois pas un salaire minimum légal pour tous, idée par trop éloignée de la culture sociale allemande pour avoir une chance de s’imposer.

Fidèle à celle-ci, qui veut que les salaires et leur évolution soient négociés branche par branche, Lidl mise sur une solution pour le seul commerce de détail. Et la fédération de ce secteur, après avoir freiné des quatre fers pendant des années, a indiqué mercredi qu’elle négociait dans ce sens avec le syndicat des services Verdi. Objectif: un salaire minimum à partir du printemps 2011 pour les quelque 1,2 million de salariés de la branche.

Vendeurs et caissières pourraient ainsi rejoindre facteurs, couvreurs ou encore personnels de nettoyage, qui sont parmi les huit secteurs pour lesquels une telle disposition existe déjà.

Ailleurs, notamment dans les secteurs qui ne font pas l’objet de conventions collectives, des salaires de misère ne sont pas rares. En 2007, 2,2 millions de personnes gagnaient moins de 6 euros de l’heure en Allemagne, et 1,2 million moins de 5 euros, selon une étude récente de l’université de Duisbourg-Essen.

Mais même si “la discussion reprend à l’heure actuelle”, l’idée d’un salaire plancher qui s’appliquerait indifféremment à tous, tel qu’il existe en France par exemple, “n’est pas une option”, explique à l’AFP Gernot Nerb, économiste en chef de l’institut de recherche Ifo.

Même pour la confédération syndicale DGB, qui fait campagne pour un salaire horaire minimum de 7,50 euros, le mécanisme ne serait qu’un filet de sécurité pour ceux qui n’entrent dans le champ d’aucune convention collective, explique Claudia Falk, porte-parole de l’organisation.

Ces derniers jours, le gouvernement de centre-droit, divisé sur le sujet, l’a indirectement remis sur le tapis.

Alors que Berlin discute d’un relèvement des indemnités aux chômeurs, le vice-chancelier libéral Guido Westerwelle s’en est pris à une “évolution socialiste”. “Cela ne peut pas durer, ceux qui travaillent devraient avoir plus que ceux qui ne travaillent pas”, a-t-il tempêté, reprenant un de ses thèmes de campagne préférés.

Mais en posant la question de l’écart de revenu entre chômeurs et salariés, et de l’incitation au travail, “ce n’est pas un problème de minima sociaux trop élevés, c’est un problème de salaires trop bas”, que soulève le ministre, commente Michael Greven, professeur à l’université de Hambourg.

Un avis partagé par l’opposition, dont les trois partis soutiennent l’idée d’un salaire minimum. “Tant que (M. Westerwelle) ne soutient pas le salaire minimum, il (…) ne peut maintenir l’écart entre salaires et transferts sociaux que par des coupes dans les revenus des plus pauvres”, s’est emporté Frank-Walter Steinmeier, chef du groupe parlementaire social-démocrate, dénonçant une position “hypocrite”.

Pour les libéraux, aux manettes à Berlin avec les conservateurs d’Angela Merkel, tout salaire minimum imposé menace l’emploi. Le camp de la chancelière, sa ministre du Travail en tête, est au contraire favorable à des planchers négociés branche par branche.

Selon M. Nerb de l’Ifo, c’est ce qui va se passer: “de plus en plus de secteurs spécifiques” vont négocier des salaires minimum.