Tunisie-Congrès international des JCE : vol au-dessus d’un nid de coucou

Tunisie-Congrès international des JCE : vol au-dessus d’un nid de coucouPar Amel Belhadj Ali

jci_worldcongress2009-1.jpgNous
n’avons pas, dans notre pays, l’habitude de vanter le mérite des agents de
l’ordre estimant qu’ils ne font que leur devoir. Je voudrais toutefois
mentionner la qualité du service sécuritaire du lundi 16 novembre à l’occasion
de la tenue du congrès international des Jeunes chambres économiques (JCE)
organisé, pour la première fois en Afrique et au Moyen-Orient, à Hammamet
(Tunisie) et dont l’ouverture s’y est tenue dans la salle de sport. Les agents
de police en uniforme ou en tenue civile étaient serviables, courtois et en même
temps fermes, c’était appréciable. En contradiction avec les organisateurs non
identifiés, non disponibles, répondant du bout des lèvres à des questions
pourtant légitimes et parfois s’adressant à vous sur un ton un peu condescendant
ou expéditif au téléphone, lorsque vous osez en tant que journaliste leur
demander des informations.

Pour ceux qui se sont aventurés à aller devant la salle de sport de Hammamet où
devait se dérouler l’ouverture officielle du congrès, lundi 17h30, c’était la
confusion totale. Les délégations en files attendaient devant la porte qu’on
veuille bien les laisser entrer, pas de service d’accueil, ni de responsable
presse pour identifier les journalistes et leur faciliter l’accès aux locaux et
à l’information. La presse électronique ne serait même pas reconnue par ces
Messieurs dames. Quant au monsieur à la porte d’entrée à qui on demandait
pourquoi on restait dans la rue, une simple réplique : on prépare la salle.
Pourvu qu’elle soit représentative de cette grande civilisation qu’est la
Tunisie !

Une fois en salle, pas d’habillage conséquent, pas de décorations spéciales,
tout juste quelques affiches accrochées çà et là. Quant au podium, il est tout
ce qu’il y a de plus neutre, aucune note personnelle rappelant Rome ou Carthage
dont a parlé le président national de la jeune chambre économique dans son mot
de bienvenue et dans lequel il invitait les participants internationaux à
profiter de notre soleil et nos plages comme s’il avait quelque mérite dans les
attributs naturels et climatiques du pays.

Alors que lorsque l’on reçoit des délégations aussi importantes en provenance de
tous les pays du monde, le premier réflexe est de leur vendre la destination. La
destination dans toutes ses dimensions culturelles, civilisationnelles,
environnementales et pourquoi pas économiques.

Une déception dans l’organisation

Des 3.500 adhérents attendus, près de 2.000 sont venus entre accompagnateurs,
journalistes et participants, ils auraient fait de très bons ambassadeurs pour
le pays, si au lieu du spectacle improvisé que nous avons vu à l’ouverture, on
leur aurait offert l’occasion d’admirer une présentation plus consistante, plus
élaborée, plus professionnelle, en un mot digne de notre pays.

Attention, ce n’est par remettre en question les représentations assurées par
des percussionnistes à la Darbouka, des instrumentalistes du Jazz ou celle de
ces jeunes formés à la Star Academy. Ils ont eu le mérite de tempérer la
déception et d’apprivoiser la colère de tous ceux qui étaient en droit
d’attendre beaucoup plus pour que notre pays soit vu sous ses meilleurs jours.
Sans parler de la chorale de Jawhara FM qui avait magnifiquement chanté l’hymne
national ainsi que le pacte d’honneur des jeunes chambres économiques dans les
trois langues, elle faisait plaisir à voir. Les thèmes musicaux qui se voulaient
universels vantaient le métissage des musiques en tant que valeur…

Sauvé par le gong, Messieurs dames les organisateurs…

Une désorganisation qui dessert le pays

On passe en revue le programme du Congrès, et on n’y voit pas de slogan en
rapport avec la thématique axée sur le
changement climatique. Les banderoles
n’étaient pas encore accrochées à notre entrée dans la salle à 17h45 mn, pas de
drapeaux tunisiens ornant l’espace consacré au spectacle. Il a fallu voir entrer
toutes les délégations invitées brandissant leurs drapeaux, pour se rendre
compte que nos étendards ne flottaient pas au dessus de toutes les têtes… Une
telle désorganisation s’appelle desservir un pays. Dans le langage marketing, un
client déçu, c’est 7 de perdus, espérons que les invités de la jeune chambre
nationale ne seront pas déçus au terme de leur séjour, car les multiplier par 2
fait 14.000 de perdus pour la Tunisie…

A quoi bon abriter le premier congrès des jeunes chambres économiques du monde
entier si ce n’est pour leur montrer un savoir-faire, un savoir-être, une
rigueur et un professionnalisme qui mettent en valeur le degré d’évolution du
pays et donnent de lui cette image que certains lui envient, celle de dragon de
la Méditerranée. Et pour ce qui est de dragons, eh bien, il y en a beaucoup qui
sont venus d’Asie et pour une fois, ils auront à juger de la conformité de la
réalité qu’ils ont vécue lors de l’ouverture et qu’ils continueront à vivre tout
au long de leur séjour à l’image du dragon noble et mythologique dans leur
culture…

Où sont les jasmins de Hammamet?

Et qu’on ne parle pas de moyens matériels, dans toute réalisation de ce genre,
il y a tout d’abord la capacité organisationnelle, la complicité ainsi que la
volonté des membres d’une même organisation pour assurer la réussite d’un
quelconque projet. Ensuite, il y a la disponibilité, puisque c’est du
volontariat, l’imagination et surtout la loyauté par rapport à l’organisation et
au pays. Si ces qualités existent, si nous arrivons à séparer les intérêts de
l’institution et du pays de nos querelles intestines, nos intérêts ou nos
positions personnelles, nous pouvons réaliser des miracles avec le peu dont nous
pouvons disposer.

Hammamet est la ville des jasmins, on aurait pu s’y prendre tôt pour offrir des
couronnes de jasmins aux dames. Les tenues traditionnelles de la région figurent
parmi les plus beaux de la Tunisie, on aurait pu faire le tour des boutiques de
location et dénicher au moins 10 tenues que des hôtesses auraient portées pour
valoriser le patrimoine vestimentaire de la région.

On aurait sollicité l’Institut supérieur des Arts dramatiques pour une mini
pièce théâtrale inspirée de la civilisation carthaginoise ou romaine, il aurait
certainement accepté. Des «on aurait pu», il y en a des milliers et nous ne
pouvons pas tous les citer… Car même le disponible n’a pas été bien géré par les
organisateurs, à commencer par ces jeunes volontaires vêtus «d’uniformes». Ils
devaient éventuellement encadrer les délégations, mais n’étant pas briefés,
désœuvrés, ils ne font que traîner dans les cafés. Quelle l’image vont-ils
ensuite véhiculer de la JCE, celle de la cacophonie ???

Heureusement, il fait beau !

Quant aux relations avec la presse, c’est une autre histoire. Pas de dossier de
presse, le jour de l’ouverture, pas de badges mais pire, le lendemain,
c’est-à-dire mardi, les représentants des médias ont dû subir toutes les
humiliations possibles et imaginables. De celle de «nous ne reconnaissons pas
les journalistes accrédités par votre journal, à celle de «encore heureux que
nous acceptions de vous loger et nourrir». Sans oublier l’exigence des
présentations de cartes de presse professionnelles de la part de tous les
représentants des médias. A noter que les représentants de la presse
électronique n’ont pas à ce jour de cartes de presse, est-ce à dire qu’ils ne
sont pas des journalistes et dans ce cas, pourquoi les inviter ?

Et pour terminer, lorsque nos prestations rappellent un chef-d’œuvre du genre
«Vol au-dessus d’un nid de coucou», on devrait se montrer plus sociable, plus
modeste, plus respectueux et plus communicatif avec les invités, au moins ainsi
on neutraliserait leur déception.