Tunisie : L’huile d’olive biologique tunisienne en vedette sur le marché allemand

«Lorsqu’une olive devient noire, sachez que l’olivier est fâché ! Il est
trop tard et vous avez déjà raté le coup ! Le résultat s’en fera ressentir
sur la qualité de votre huile. Il faut rester vigilent
». Ce ne sont pas les
carottes qui sont cuites mais bel et bien les olives qui se rétractent.
Elles ne donneront plus la même qualité au précieux nectar au vert intense
et aux arômes si subtiles qu’est l’huile d’olive extra vierge.

C’est en des termes enveloppés de beaucoup d’amour et dans un anglo-francais
au fort accent italien, du reste très sympathique, que s’exprime M. Gino
CELLETTI, expert international, a animer les journées du programme «Les
oliviers de Carthage
».

C’est dans un domaine d’oliviers flanqué au pied du Mont Ressas, dans la
délégation de Mornag, que se tient le premier cours du consultant.
Dynamique, surprenant et vivant, l’atelier est exclusivement dédié à l’huile
d’olive. M. Gino, comme l’appellent tous les participants, initie au système
de notation de l’huile, papiers, stylo et barème à la main. Il alterne les
conseils de production à ceux de la dégustation en passant par le marketing.
L’univers de l’olivier et son “jus de fruits” n’ont pas de secrets pour lui.

Décoder, sentir, lire, aspirer, imaginer, regarder, deviner, … une huile.
Cela s’apprend, tous les sens en éveil. L’assistance prend plaisir à
découvrir le parfum fruité ou le goût relevé de tel ou tel produit.
L’échantillonnage est varié. L’huile est tantôt épicée ou plutôt marquée par
un goût de thym, de romarin ou d’artichaut.

L’incursion dans l’univers de l’huile d’olive est ensorcelante. De mémoire,
je savais que les Grecs avaient dressé une classification des huiles d’olive
avant de classer celle des vins. En fait, l’huile d’olive est tout autant
codifiée. Elle a ses lois, ses concours, ses méthodes, ses notations…

Pour les participants, ce fut une réelle découverte. Pour les organisateurs
du workshop, ce projet est né d’un véritable coup de cœur. L’atelier est
organisé sous l’égide de la GTZ, AHK, PACKTEC et OMEGA CONSEIL avec la
participation de quelques restaurateurs, des responsables d’organismes
tunisiens travaillant dans le secteur, mais aussi de quelques journalistes.

L’objectif est clair. Il s’agit de former à la production, la dégustation,
la présentation, la promotion et à la vente de l’huile d’olive tunisienne
biologique. Le tout est orchestré par un seul maître mot: La qualité.

Pour Philippe LOTZ, chef du programme d’Appui à l’Entreprenariat et à
l’Innovation dans l’agence de Coopération Technique Allemande, c’est surtout
l’idée d’apporter l’innovation par le marketing qui a été le fil conducteur
de toute cette opération. «Nous voulions sortir l’huile d’olive tunisienne
du vrac et la positionner sur le marché allemand en tant que produit haut de
gamme. Notre objectif est de l’installer dans la durabilité afin que ce
produit devienne en quelque sorte le porte drapeau d’un patrimoine à
valoriser. Il s’agit de développer pour un meilleur positionnement de
l’image de la Tunisie, du moins sur le marché germanique
».

Pour que l’huile d’olive devienne le porte drapeau des produits tunisiens

Il est clair que pour s’engager dans un chemin aussi difficile, c’est de la
passion qu’il faut, mais aussi et surtout beaucoup de travail. Ce ne sont
sûrement pas Slim Fendri, Faïza Gargouri et Cécilia Muriel, heureux
propriétaires, respectivement, des “Domaine Fendri”, “Gargouri Oil” et “Medolea”
qui le contesteront.

Faïza Gargouri affirme que le bio «ne paie pas aujourd’hui», mais sa
conviction reste ferme : «Il représente l’avenir et j’y crois dur comme fer.
La qualité est la seule issue possible pour sortir l’huile d’olive
tunisienne du marasme dans lequel elle traîne
».

Slim Fendri, pour sa part, opère dans le biologique depuis longtemps. Il
définit l’huile d’olive biologique en ces termes : «Une huile biologique est
une huile provenant d’olives cultivées en mode bio, c’est-à-dire sans
utilisation d’engrais chimiques. Seuls les engrais naturels, tel que le
fumier, sont autorisés. L’utilisation de traitements chimique, comme les
pesticides ou fongicides, est strictement interdite. L’appellation
biologique est donnée par un organisme de contrôle qui délivre un certificat
annuel après différentes vérifications. Les modes de transformation des
olives bio sont les mêmes que pour les olives classiques, mais l’huilerie
aussi doit être certifié bio et sous contrôle
».

La Tunisie est le premier producteur mondial d’huile d’olive biologique avec
plus de 16 mille tonnes de production. Elle en exporte 6 mille tonnes par
an. C’est grâce à une efficace politique d’encouragement de l’Etat que la
Tunisie a pu devenir leader dans la culture bio d’oliviers et de leur
transformation. La certification des domaines de l’Etat en a été l’une des
étapes clefs. Cette avancée est importante, mais soulève toutefois de
nombreuses interrogations.

A qui profite «le plus de cette production» ? Quelle est la qualité de cette
huile biologique ? Quel est son avenir ? Finalement, «la plus-value portée
par le bio n’est-il pas empoché par les intervenants étrangers qui profitent
de cette manne et tirent profit de la politique de l’Etat tunisien ?

Au niveau national, seule une très petite quantité d’huile biologique est
exportée en bouteille. Sa quasi totalité subit en fait le même sort que
l’huile d’olive classique. Elle reste anonyme et se trouve vendue en vrac
aux Espagnols et Italiens qui, eux, savent largement la valoriser. Ils
revendent la bio avec des marges très confortables et la mélangent à
d’autres huiles. Ils mettent en avant leurs marques, continuant par
conséquent à asseoir la notoriété de leurs huiles fortement génératrices de
profits.

Mais, quels sont les caractéristiques d’une bonne huile d’olive ? Quel est
la part du marketing dans la valorisation de l’huile d’olive biologique ? A
quel avenir l’huile d’olive de qualité peut-elle aspirer ?

Dr Gino Celleti est surtout reconnu comme une référence internationale en
matière d’huile d’olive. Il siège au Conseil Oléicole International (COI) et
se trouve souvent «Panel Leader» dans plusieurs compétions internationales.
Pour ce passionné des arômes, originaire de la région d’Umbria en Italie du
sud, «si l’huile ne pique pas, c’est qu’elle n’est pas bonne. On reconnaît
les grandes huiles à leur note végétale (romarin, artichaut, feuille de
laurier,…) et à leur goût. Elle doit être brillante, c’est-à-dire renvoyer
la lumière. Une bonne huile se doit d’être légère, aérienne, fluide et ne
doit pas coller au palais. Si une huile est lourde, c’est qu’elle est
vieille ou faite avec des olives trop mûres. Une bonne huile doit également
être exquise avec beaucoup de saveurs
».

Pour lui, il est urgent aujourd’hui d’aider l’huile tunisienne à devenir
mature et à grandir : «Elle a en face d’elle des défis qu’elle est en mesure
de soulever. Il faut changer les mentalités et transformer les procédures de
cueillette en passant par la mécanisation. Il n’y a plus de secrets, on sait
comment une bonne huile se fait. On sait désormais comment produire une
huile exceptionnelle. On sait comment obtenir une huile exceptionnelle. Il
faut travailler et passer à la valeur ajoutée. C’est là et nulle part
ailleurs que ce fait la différence
». Le Marketing saura lui répondre aux
exigences de marché.

Le retour aux produits authentiques

L’olivier est un symbole de longévité. En Crète, les oliviers ont plus de
2.000 ans. En Italie, un olivier aurait même plus de 4.000 ans, alors que le
fameux olivier de Midoun à Djerba en aurait plus 1.000. C’est dire si la
symbolique est forte !

Dans l’Antiquité, l’huile d’olive servait pour les soins du corps et était
utilisée en tant que source d’énergie. Aujourd’hui, l’huile d’olive est à la
mode. Les gens veulent perdre du poids, avoir une vie plus saine et vivre
plus longtemps. Ils rêvent d’éternelle jeunesse et ont peur de la mort.
L’alimentation et son hygiène sont au cœur de ce qu’on appelle désormais «le
vieillir en bonne santé».

Pour ces nombreuses raisons, on enregistre un véritable engouement pour
l’huile d’olive. La tendance chez les consommateurs dans le monde est à la
qualité. Un intérêt croissant a du reste été enregistré, même chez certaines
cultures qui n’ont pas la tradition de l’huile d’olive comme les USA ou
l’Allemagne.

Surfant sur la tendance, la revue Feinschmecker (gourmet en allemand)
organise depuis plus de 5 ans, un concours international d’huile d’olive.
Les résultats de ce concours sont très attendus sur le marché allemand et
largement reconnus dans différents pays tel que le Canada ou l’Italie.

Un jury international, composé de 11 experts, travaille à l’aveugle sur un
échantillon de plus de 850 huiles venant du monde entier. Une première
sélection retient 250 huiles et une troisième en retient 50. Une «édition
papiers de prestige» spéciale est alors imprimée. Les huiles récompensées se
voient alors transportées dans l’univers des grandes huiles primées du
monde. Elles peuvent espérer de beaux jours devant elles.

La grande surprise de ce concours fut la réussite d’une huile d’olive
jordanienne. Cette huile s’est hissée au top 5 des meilleures huiles du
monde. La Jordanie figure parmi les nouveaux pays qui s’adonnent à la
culture des oliviers, sachant que ce secteur est sujet à de multiples
concurrences.

Medolea : une huile d’olive bio tunisienne sélectionnée dans un concours
allemand

L’autre révélation de cette cuvée 2008, c’est la présence d’une huile
d’olive tunisienne parmi les 250 meilleures huiles d’olives du monde via ce
concours allemand. Il s’agit de l’huile d’olive biologique du «Domaine Medolea». Chez Cecilia, on est dans le métier depuis deux ans. Seulement ?
Ce n’est assurément pas assez, mais les résultats sont très encourageants.

Cécilia précise que «les fruits sont cueillis à la main de mi-novembre à la
mi-janvier par peignage des branches. Cette méthode traditionnelle de
récolte ménage l’arbre et les fruits et garantit une huile d’olive d’une
qualité exceptionnelle. Chaque année, nous engageons les mêmes ouvrières qui
habitent à proximité de notre oliveraie pour cueillir nos olives. Pour le
bon travail qu’elles fournissent, elles reçoivent une rémunération
équitable. Les olives fraîchement cueillies sont immédiatement acheminées
vers notre propre huilerie, un pressoir moderne en acier inoxydable. Elles
sont lavées et pressées à froid. Vous pouvez ainsi être sûrs qu’il n’y a pas
la moindre perte de temps ni une altération de la qualité lors du passage
des olives de l’arbre vers la bouteille
».

Sur le site de la marque, on indique que de l’huile du domaine «se
caractérisent par un goût frais, intensément fruité accompagné d’une note
légèrement piquante et de bonnes propriétés sensorielles
».

Au terme d’une journée, haute en saveurs, tous les professionnels présents à
cette journée sont souvent revenus sur la valorisation de l’huile d’olive
tunisienne. Pour y répondre, il faut rendre à un produit dévalorisé ses
valeurs symboliques et culturelles. Cela crée de la valeur économique. C’est
un travail d’ensemble sur le style de vie, le mode de consommation et la
culture. Les traditions et l’économie sont absolument indissociables dans
cet univers.

Au delà de redécouvrir un art de vivre qui ne se conjuguerait plus
simplement au passé, il convient, au jour d’aujourd’hui, de mettre l’huile
d’olive aux normes. Au-delà de l’esthétique et du goût, il est impératif
d’être en règle avec les règles. (AOC, des AOP qu’il convient de respecter).
Les Italiens ont excellé dans l’art de ne plus utiliser des méthodes
anciennes, mais celles-ci continuent d’exister dans l’imaginaire. Elles sont
racontées et mises en valeur. Conscients de cette nécessité, les Italiens
n’ont-ils pas été les premiers à ouvrir des musées sur l’histoire de l’huile
d’olive !