Reem Al Fayçal, princesse et photographe : “C’est le regard occidental qui pense que voilée, une femme”

«C’est le regard occidental qui pense que voilée, une femme
n’existe pas». Commissaire de l’exposition «Au-delà du voile», la jeune femme
est la petite fille du roi d’Arabie Saoudite, Al Fayçal. Parlant français
couramment, elle a sillonné le monde pour saisir l’humain et sa relation avec
Dieu. Travaillant en noir et blanc, Reem Al Fayçal est connue pour son ton
contestataire et ses mots crus. Elle appartient à une jeune génération
d’intellectuels engagés, très critiques à l’égard des gouvernements arabes et du
«postcolonialisme» de l’Occident. Dans son site
http://www.reemalfaisal.com
., on lit notamment : “Dans mon art, je cherche à
montrer les signes du divin dans la nature et dans l’homme”.

Nous l’avons rencontrée…

medina-1.jpg

Webmanagercenter
: Le voile pose problème plus que jamais dans le monde moderne.

Reem Al Fayçal : Pour moi, le voile ne se pose pas en termes de problème.
Je suis voilée. Je considère que derrière le voile, il y a des choses
précieuses qui relèvent du monde de l’inaccessible, de ce qui est caché et
du non dit.

Pourquoi ce titre ? Présentez-nous cette exposition ?

Cette exposition présente aujourd’hui un monde disparu. La photographe,
qui est une américaine d’origine et vivant en Angleterre, est aujourd’hui
une femme de 98 ans. L’exposition présente des photos qu’elle n’a jamais
exposées. Il y a eu presque un travail de détective pour trouver la trace de
ces photos. Elles n’ont jamais été exposées. L’artiste s’est rendue dans
cette région du monde dans les années soixante et ses photos font partie de
l’histoire. C’est un travail de mémoire sur les costumes, les us et
coutumes, les fêtes…

Etant vous-même photographe, pourquoi dédiez-vous exclusivement cette
galerie à l’art de la photographie ?

C’est effectivement la seule galerie arabe destinée exclusivement à la
photographie. Notre objectif est d’ouvrir cet espace aux photographes arabes
et d’y amener des photographes du monde entier.

Nous voulons savoir comment l’art de la photographie est-il perçu dans le
monde arabe.

C’est un art encore assez peu connu. Comment vous êtes-vous découverte
photographe ?

Comme un enfant. Il faut croire que c’est mon expression. A l’âge de 9
ans, mon frère m’a offert un appareil photo. Je ne l’ai plus jamais quitté.
Mon travail est la photo documentaire. Je photographie en noir et blanc et
suis très attirée par ce qu’on appelle maintenant les “photographes
humanistes”. Pour ma part, je dirais que je suis photographe de «la
civilisation vivante». Je voyage partout dans le monde et ce qui
m’intéresse, c’est l’être humain et sa relation avec Dieu. Dans mes photos,
je cherche à exposer le monde qui se cache. Le caché, le dedans, le dehors,
le non dit, revient souvent dans vos paroles.

Le «batten» le «daher» est au cœur de notre culture arabo-musulmane.
C’est ma culture et je le revendique même. Je suis saoudienne et la présence
de la spiritualité est quotidienne dans ma vie. La Mecque et Médine sont mon
univers. J’ai grandi à deux pas de la maison de Dieu et cela ne peut me
quitter.

Selon certaines visions, la femme dans le monde arabe souffre de manque
de liberté et de considération. Votre art est-il un moyen pour exprimer son
regard sur le monde qui bouge ? En tant que femme arabe, musulmane et
saoudienne, le vivez-vous comme un combat ? Comment parvenez-vous à vous
projeter dans la modernité malgré le poids des traditions ?

Je ne me vois pas telle que vous me décrivez. C’est le regard occidental
qui pense que voilée, une femme n’existe pas. La réalité de la femme
saoudienne est tout autre. Dans mon vécu, elle est puissante et dominante.
Elle est l’âme et l’équilibre de la famille et de la société. Il y a certes
des problèmes culturels sérieux et profonds, mais je déteste me mettre dans
cette équation.

Dans mon travail, j’exprime l’art éternel. Je ne suis pas dans le rapport
Hommes/Femmes. Je suis dans l’Humain, dans une forme de transcendance au
dessus des querelles. Je me vois dans la continuité des poétesses
saoudiennes célèbres. Je ne me suis jamais dégagée de ma culture. Je la
critique et la respecte et j’en suis indépendante. Je trouve que notre
culture est une richesse qu’on ne doit jamais abandonner. Nous avons besoin
de racines. On ne peut être universel sans avoir de racines. Nous autres les
Saoudiens, sommes un peuple de nomades et sommes par conséquent universels.

Lire aussi :

– Reportage : Dubaï ou la folie du “never seen before” !

– La fondation Al Maktoum : un outil qui porte en lui l’avenir

– Heinrich Morio, DG Burj El Arab Hotel : “Notre travail est de rendre nos hôtes heureux»