Environnement des affaires – législations commerciales : Faisons du bon marketing !

L’attraction des investisseurs étrangers est l’un des signes
témoins sur la compétitivité d’une économie donnée. Si notre pays a réussi
jusque là à réaliser des grands pas sur ce plan, on reste encore en-dessous des
attentes au niveau des législations commerciales. Certains blâment l’enfermement
de l’administration sur elle-même, ne faisant pas participer les acteurs
économiques concernés. D’autres dénoncent un esprit encore rétrograde de la
législation commerciale en Tunisie, n’ayant pas pris compte des progrès réalisés
à plusieurs niveaux.

Ces réflexions ont fait l’objet des travaux d’un atelier de travail, tenu le
14 janvier 2009, sur «le renforcement des législations commerciales pour un
environnement favorable aux affaires» et organisé par le ministère du Commerce
et de l’Artisanat en collaboration avec l’Arab Center for Development of the
rule of law and integrity.

Rappelons que cet atelier s’inscrit dans le cadre d’un projet initié par l’ACRLI
qui consiste à examiner et à évaluer le cadre législatif au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord.

M. Lotfi Bouzayene, professeur universitaire et conseiller économique de
l’équipe nationale du projet, a indiqué que les indicateurs économiques de la
Tunisie montrent une intégration forte de l’économie nationale dans l’économie
méditerranéenne, reflétée par une croissance économique appréciable. Mais des
efforts doivent être fournis au niveau de l’emploi et de l’investissement privé.
Il est également à noter que la Tunisie est mieux placée dans toutes les
variables, en comparaison avec les pays du Moyen-Orient et ceux de la même
catégorie de développement, sauf en ce qui concerne le revenu par habitant et
l’endettement, qui reste élevé à cause de l’absence de ressources naturelles
suffisantes.

Réinventer la relation entre les partenaires sociaux

Afin d’attirer les investisseurs étrangers sur le site Tunisie, M. Bouzayene
a précisé que l’argument des coûts des facteurs de production n’est plus
suffisant. «Il faut miser sur d’autres arguments tels que la compétitivité, le
savoir-faire, etc.», a-t-il ajouté.

Comme recommandations, il propose de consolider la relation entre
l’université et le milieu économique, de développer des opportunités
d’investissements dans les médias et les TIC, de renforcer la R&D (Recherche et
Développement) au sein des entreprises et réaliser l’intégration des zones de
dynamisme. Il a également appelé à une implication plus forte des acteurs
économiques dans la décision publique en réinventant la relation entre les
partenaires sociaux, actuellement axée sur les revendications.

Pour sa part, M. Imed Abd Jawad, directeur de l’Institut Supérieur des Etudes
Commerciales, a insisté sur l’implication des hommes d’affaires. «Ce sont eux
qui contribuent à l’amélioration des indicateurs économiques. Il faudrait miser
sur une gestion consensuelle des affaires afin que toutes les parties prenantes
collaborent. Faisons du bon marketing !»

Selon le dernier rapport «Doing Business», qui a placé la Tunisie en 73ème
rang, on est en recul dans certains indicateurs importants qui mesurent la
compétitivité d’une économie. Notre pays se place en 101ième place pour les
autorisations, 106ème pour la déclaration des impôts et 142ème pour la
protection des investisseurs. Pour ce dernier indicateur, on se demande bien sur
les causes d’un tel mauvais classement. M. Noureddine Ben Zekri, directeur
général de l’investissement extérieur auprès du ministère du Développement et de
la Coopération internationale, a expliqué cela par une certaine perception des
personnes enquêtées des réformes engagées à ce niveau.

De son côté, M. Ahmed Werfeli, juge chercheur et conseiller juridique au sein
de l’équipe nationale du projet, a expliqué que «Doing Business» prend en compte
les garanties mises en place pour protéger l’investisseur privé des éventuels
infractions des responsables d’une société donnée.

Lourdeur des procédures et dispersion des législations

Concernant la création, le management et la faillite des entreprises,
plusieurs obstacles législatifs sont encore d’actualité. Il n’existe même pas
une définition du terme entreprise. Au niveau de la création d’entreprises, il
n’existe pas d’acte constitutionnel pour l’entreprise individuelle, ni de
définition du patrimoine d’affectation. Comme points faibles, M. Werfeli nous
cite : la non actualisation du registre de commerce, la lourdeur du dispositif
de formation, la multiplication des mesures de publicité et la non prise en
compte des mesures de publicité électronique.

Pour M. Ahmed Aiffa, expert-comptable, a souligné que les délais de création
d’entreprise doivent être réduits. «Ils sont actuellement de 32 à 38 jours dans
la zone MENA alors qu’il suffit de sept jours pour créer une entreprise aux
Etats-Unis d’Amérique», a-t-il affirmé. Abondant dans le même sens, M. Sami
Frikha, professeur universitaire et avocat, a signalé que l’étape d’avant la
création est également compliquée. «Bien que le guichet unique ait permis de
réduire cette complexité, mais on remarque qu’il n’est pas bien contrôlé. Il
prend encore en compte certaines procédures qui ont été éliminées», a-t-il
ajouté. Il a aussi précisé que le capital minimum n’a plus lieu d’être puisqu’il
constitue un obstacle à la création d’entreprises.

Au niveau du management des entreprises, on constate une progression vers la
transparence par l’élargissement des prérogatives du commissaire aux comptes
pour les sociétés anonymes, bien que ce ne soit pas appliqué par toutes les
entreprises. Au plan législatif, il y a eu suppression de l’action minoritaire.
De même, «l’article 200 du code des sociétés commerciales s’est limité à
mentionner les opérations défaillantes très dangereuses et n’a pas cité les
moins dangereuses», a-t-il précisé.

En ce qui concerne la faillite des entreprises, la complexité des procédures
et la lourdeur des coûts constituent encore un obstacle majeur pour
l’accomplissement de l’opération en toute simplicité.

En somme, les participants à l’atelier de travail ont insisté sur la
nécessité d’une mise à jour des législations commerciales en adéquation avec les
besoins des acteurs économiques locaux mais aussi étrangers. Une mise à jour qui
se fera avec la collaboration des partenaires sociaux concernés directement par
ces législations et en concertation avec le milieu académique qui devrait lui
aussi jouer un grand rôle dans leur validation.

Espérons donc que le projet de l’ACRLI insufflera une dynamique de réforme
législative.

A suivre…