Une vision idélale du marché

Par : Autres

Le marché financier tunisien est un paradis peuplé d’analystes vertueux et
sages. Un éden où les gestionnaires de comptes ne se soucient guère des gains
immédiats, ni de leurs intérêts personnels. Un monde idyllique où les émetteurs
fournissent une information complète, dans les délais. Le marché financier
tunisien serait donc une exception dans le monde fou de la finance mondiale ! On
a du mal à adhérer à cette vision idéale du marché financier tunisien. C’est pas
qu’on aimerait pas y croire mais les faits sont là. Faut-il rappeler le contenu
des rapports annuels du conseil des marchés financiers (on attend toujours la
parution du rapport 2007) ?

En effet, la pratique boursière montre non seulement que l’information
financière annuelle se limite à la production des comptes annuels avec des
commentaires minimums, alors que son contenu a été précisé dans les articles 3
de la loi 94-117 et 42 du règlement du CMF relatif à l’appel public à l’épargne.
La plupart des sociétés ne satisfaisant pas à l’ensemble de leurs obligations.
Mais aussi, beaucoup de sociétés publient leur information annuelle en retard.

Certes, il y a une amélioration. A la lecture des différents rapports annuels du
CMF, on s’aperçoit que le CMF fait l’éloge de «l’ancrage de plus en plus profond
de la culture de la transparence dans l’esprit d’une grande partie des
dirigeants des sociétés faisant appel public à l’épargne, surtout celles admises
à la cote, dont la plupart ont pris conscience de leur responsabilité à l’égard
du marché».

Pourtant, cette année là, 33,33% des sociétés admises à la cote n’ont pas
respecté le délai de dépôt auprès du CMF des documents approuvés par les AGO
tenues en 2006. En ce qui concerne les états financiers intermédiaires en juin
2006, 27,66% des sociétés admises à la cote de la bourse ne respectaient pas le
délai de dépôt auprès du CMF tels qu’arrêtés au 30 juin 2006. Pour la même
année, le degré de respect du délai légal des déclarations de franchissement de
seuils de participation était de 4,44% pour les personnes physiques et 31,11%
pour les personnes morales.

De même, en 2006, l’examen de la conformité aux exigences réglementaires du
contenu des rapports d’activités des sociétés, qu’elles soient admises à la cote
ou non admises, montre que les sociétés faisant appel public à l’épargne sont
encore loin de satisfaire à leurs obligations légales en la matière. Et la
situation ne s’est probablement pas métamorphosée depuis.

Dans ce cas, comment peut-on affirmer au jour d’aujourd’hui que la bourse de
Tunis est à l’abri de la crise financière internationale ? Alors même que toutes
les conséquences de la crise ne sont pas encore connues, alors que nos
principaux partenaires commerciaux s’apprêtent à entrer en récession, comment
est-il possible d’être certain que les marchés financiers tunisiens resteront à
l’abri de ce “tsunami financier”?

On n’est peut-être pas des experts, mais l’entrée en récession de l’Europe ne
pourrait-elle pas avoir des répercussions sur l’activité à l’exportation de
certains émetteurs du marché financier tunisien ? Ces répercussions ne
pourraient-elle pas alors entraîner une tendance baissière de leurs cours en
bourse ? Bien sûr que si les marchés réagissent de manière rationnelle. Mais, la
rationalité n’étant pas une des qualités majeures de la finance, l’abattage
médiatique, toute cette mauvaise publicité faite autour des marchés financiers,
ne sont-ils pas en mesure de casser la confiance (déjà bien fébrile) du Tunisien
dans la bourse ? Cette crise de confiance ne pourrait-elle pas entraîner une
chute des cours de la bourse de Tunis ?

On peut très bien comprendre le besoin de rassurer que ressentent les acteurs du
marché financier tunisien. Mais dans une économie mondialisée, inter-liée, il
est difficile d’affirmer que nous sommes à l’abri, que nous ne risquons rien !
Il vaut mieux s’apprêter alors à affronter les conséquences éventuelles de cette
crise dont personne ne connaît encore l’ampleur, plutôt que de se retrouver
démuni face à un scénario certes pessimiste mais réaliste.

W.B.

 
Réaction à l’article :
Pourquoi la bourse de Tunis est à l’abri de la crise financière internationale?

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