La Russie accentue ses menaces contre le projet Sakhaline-2 de Shell

 
 
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Vue de la construction d’un pipeline sur le site de Sakhaline de la compagnie anglo-néerlandaise, le 29 septembre 2006 (Photo : Denis Sinyakov)

[07/12/2006 12:45:01] MOSCOU (AFP) La Russie a annoncé jeudi la “suspension” de 12 licences d’exploitation de l’eau du gigantesque projet pétrolier et gazier Sakhaline-2 de la compagnie anglo-néerlandaise Shell, accentuant ses menaces contre un projet qu’elle veut mieux contrôler selon les analystes.

“Douze licences d’exploitation de l’eau accordées à la société Starstroï dans le cadre du projet Sakhaline-2 ont été suspendues”, a indiqué le ministère des Ressources naturelles dans un communiqué.

Le ministère menace d'”annuler” ces licences dans deux mois si se poursuivent les “violations” des normes d’exploitation de l’eau par cet important sous-traitant du projet Sakhaline-2.

“La compagnie a deux mois pour corriger ces violations. Le cas échéant, les licences seront annulées”, précise le communiqué.

Ce projet de près de 22 milliards de dollars (16,6 milliards d’euros), présenté comme le plus important investissement privé jamais réalisé au monde, vise à exporter par bateau à partir de l’été 2008 du gaz naturel liquéfié (GNL) de l’île de Sakhaline, en Extrême-Orient russe.

Ivan Tcherniakhovski, porte-parole du consortium d’exploitation Sakhalin Energy, a confirmé à l’AFP la réception de cette notification du ministère des Ressources naturelles à son sous-traitant Starstroï.

“Ce document est en train d’être analysé. Sakhalin Energy et Starstroï restent déterminés à se pencher sur tout nouveau problème ressortant des dernières enquêtes” menées par les autorités, a-t-il assuré.

Cette nouvelle menace de retrait de licences compromet cependant le projet.

Elle s’ajoute à une longue série d’attaques ces derniers mois par les autorités russes, soupçonnées d’exercer par ce biais des pressions sur la compagnie pour obtenir un contrôle partiel du projet.

Dernière en date, le parquet a accusé mercredi Shell d’avoir violé la loi “plus de 100 fois” dans le cadre de Sakhaline-2 et le procureur général Iouri Tchaïka a évoqué des poursuites contre Shell.

“Les exigences et les mauvaises nouvelles vont se poursuivre jusqu’à ce qu’une compagnie publique (russe) ait obtenu une participation dans le projet”, estime Andreï Gromadine, spécialiste du pétrole et du gaz à la banque MDM.

“Il apparaît clairement qu’ils veulent recevoir des actifs (dans Sakhaline-2) à un moindre prix”, a-t-il ajouté, évoquant les appétits déclarés du géant gazier semi-public Gazprom.

Royal Dutch Shell et Gazprom ont signé en juillet 2005 un protocole d’accord en vue d’un échange d’actifs qui ferait entrer Gazprom à hauteur de 25% dans le projet en échange de l’obtention de 50% par Shell d’un projet du grand nord russe.

Le consortium est détenu par Shell à hauteur de 55% et les sociétés de négoce japonaises Mitsui (25%) et Mitsubishi (20%).

Pour Iaroslav Lissovolik, analyste de la banque d’investissement Deutsche UFG, l’Etat russe veut plutôt obtenir de Sakhalin Energy une renégociation en sa faveur de l’accord de partage de production conclu il y a plus de dix ans avec le consortium, qui prévoit à terme un partage des bénéfices.

“Pour l’instant, ces menaces ne sont que des déclarations, un moyen d’envoyer des signaux, mais je ne pense pas qu’ils iront jusqu’à retirer les licences. Un accord sera trouvé et le projet ne sera pas arrêté”, estime M. Lissovolik, critiquant cependant les méthodes employées par l’Etat russe pour faire pression sur Shell.

Le ministre russe des Ressources naturelles Iouri Troutnev avait annoncé le 1er novembre qu’une décision définitive sur l’interruption du projet serait prise lors de la troisième semaine de novembre, sans suite jusqu’ici.

 07/12/2006 12:45:01 – © 2006 AFP