La face cachée de l’administration électronique

 

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Par
Moncef
MAHROUG

 


e-commerce2.jpgL’administration
électronique est déjà une réalité chez nous. Mais une réalité encore
imparfaite, donc perfectible. Bilan par un universitaire (Abderrazk Zouari)
et un chef d’entreprise (Mondher Ben Ayed). Le double point de vue de
l’universitaire et du chef d’entreprise.

Le mot d’ordre ayant été lancé depuis longtemps et sa concrétisation entamée
depuis quelques années, on peut se demander où nous en sommes dans ce
domaine, au-delà du discours ? Les deuxièmes journées administratives étant
une bonne occasion pour essayer de répondre à la question, l’exercice a été
confié aux bons soins d’un «usager éclairé», universitaire de son état, en
l’occurrence M. Abderrazak Zouari, et M. Mondher Ben Ayed,
président-directeur général de Tunisie Micro Informatique, que l’on peut
définir comme un «usager engagé», puisqu’il interdit à ses collaborateurs
d’utiliser le document papier d’une formalité administrative dès l’instant
où l’administration en propose une version électronique.

Intervenant lors d’une session des «Deuxièmes journées administratives»,
organisées par l’Amicale des Anciens du Cycle Supérieur de l’Ecole Nationale
d’Administration (Yasmine Hammamet? 26-27 mai 2006) et traitant du «e-government
au service du citoyen et de l’entreprise», l’«usager éclairé» constate
qu’«un pas décisif a été franchi par l’administration» vers son ‘’électronisation’’
et que même si ce «basculement» est en train de se produire selon un rythme
variable «tous les ministères sont passés à la mise en œuvre». On y observe,
donc, qu’un apprentissage des techniques nouvelles de l’administration
électronique est en cours parmi les agents, et que cet apprentissage ne s’y
fait pas sans problème.

D’une façon générale, «réformer et moderniser l’administration est
générateur de tension, car les qualifications et les positions internes» se
trouvent bousculées. D’ailleurs, une «politique de communication interne est
nécessaire pour convaincre les agents de la nécessité de ces réformes».

Côté usagers, l’universitaire relève des «réactions négatives en raison du
caractère assez effrayant (de l’administration électronique, ndlr) pour
l’administré de base, du fait de l’absence de communication préalable entre
l’administration et l’usager».

Mais par-delà ces problèmes de mise en œuvre de l’administration
électronique, le «e-government», M. Abderrazak Zouari entrevoit d’autres
risques et problèmes dont, en particulier, ceux d’une dégradation du service
–en raison d’une «contradiction entre rapidité et qualité»-, d’une
dépersonnalisation de la relation entre l’administration et l’usager, d’une
aggravation du «fossé» entre «ceux qui maîtrisent les techniques» et ceux
qui n’en savent rien, et un risque «d’atteinte à la vie privée».

Pour Mondher Ben Ayed, «l’administration électronique est une réalité en
Tunisie». De nombreuses applications sont opérationnelles, dont le système «Sinda»
(douanes), Madania I (système national de l’état civil), le système
hospitalier de télé-rendez-vous. TMI, dont la philosophie est d’utiliser
tout service électronique disponible «malgré les difficultés», «traite déjà
électroniquement avec sa banque, avec la CNSS, fait sa déclaration d’impôts
sur la plateforme TTN», et est en train de se préparer à gérer les
formalités en rapport avec l’assurance maladie par le même canal.

Bilan de l’expérience ? Plutôt positif puisque l’utilisation des prestations
de l’administration électronique présente des avantages –gain de temps en
raison notamment de la réduction du nombre de déplacements et une meilleure
utilisation des ressources»- et quelques inconvénients : lenteur de la
connexion, ergonomie des interfaces, et l’obligation d’envoyer une personne
pour chercher la quittance dans le cas de la déclaration d’impôts.
Toutefois, le système est perfectible et M. Mondher Ben Ayed a déjà en tête
au moins une idée susceptible de permettre un substantiel gain de temps :
recenser toutes les procédures où le citoyen n’est qu’un «intermédiaire
entre deux services administratifs» et faire en sorte que les services
concernés s’arrangent entre eux sans obliger l’administré à faire un ou
plusieurs déplacements.