Combien l’embargo russe coûte-t-il à l’agriculture française ?

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LE SCAN ÉCO – Des tracteurs venus de tout le pays se rassemblent, ce jeudi, à Paris. Le monde agricole se sent coulé par l’Europe mais aussi par l’embargo russe.

L’embargo russe pèse-t-il sur l’agriculture française? «Pas tant que cela», répond Michael E. Lambert, doctorant en relations internationales au Collège doctoral de la Sorbonne et à l’Université de Tampere en Finlande. Pour FranceAgriMer, établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, qui se définit comme l’intermédiaire entre les filières et l’Etat, il est très compliqué de mesurer l’impact financier de l’embargo russe.

Aux effets directs, manque à gagner lié à la fermeture du débouché russe pour nos exportations, s’ajoutent aussi des effets indirects: concurrence accrue des autres pays européens qui ne peuvent plus exporter vers la Russie, qui s’orientent vers nos débouchés habituels. Ce mécanisme engendre donc des pertes de marchés hors Russie. Le mois dernier, La Croix estimait de la perte, pour l’agriculture française, à 200 millions d’euros. Le ministère de l’Agriculture et le ministère des Affaires étrangères n’ont pas répondu aux sollicitations du Figaro. Quant aux filières principales touchées par la sanction, elles ont fourni leurs propres chiffres.

• 100 millions d’euros pour la filière porcine

«La France perd 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en n’exportant plus de porc vers la Russie. Mais le manque à gagner est plus élevé. En effet, l’impact financier est aussi indirect. La concurrence s’est accrue sur les autres marchés avec l’arrivée des anciens fournisseurs de la Russie. Les prix diminuent donc. L’impact direct et indirect de l’embargo russe sur la filière porcine française s’élève à 400 millions d’euros par an pour la France. Pour l’UE la perte s’élèverait à 4 milliards d’euros», détaille Guillaume Roué, président d’Inaporc, interprofession nationale porcine.

• 50 millions d’euros pour les fruits et légumes

«Avec la fermeture du marché russe depuis un an, le manque à gagner direct pour l’UE est évalué à 500 millions d’euros. Pour la France, il est estimé à environ 50 millions d’euros», déclare Daniel Soares, responsable du marketing international de l’interprofession des fruits et légumes frais, Interfel. Selon l’interprofession, la filière fruits et légumes française perd environ 2% de son chiffre d’affaires en raison de l’embargo russe. C’est sans compter les conséquences indirectes avec le report des exportations sur les marchés européens et mondiaux où la concurrence s’accroît.

• 109 millions d’euros pour le lait

Côté lait, la Russie est, en temps normal, le cinquième débouché vers pays tiers pour la France, indique le centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL). «Le pays représentait un marché de 109 millions d’euros jusqu’en 2013, dernière année ‘pleine’, sans embargo», rapporte Véronique Pilet, chef du service économie du CNIEL. Soit à peine plus de 1% du chiffre d’affaires de la filière, précise le CNIEL. Là encore, il ne faut pas uniquement limiter le champ du manque à gagner à la seule diminution de la valeur des exportations nationales. Tous les autres pays sous embargo doivent reporter les volumes de produits, habituellement destinés à la Russie, ailleurs, et viennent ainsi encombrer le marché international. Conséquence, les cours mondiaux laitiers baissent et les produits d’importation, particulièrement le lait et l’emmental, entrent massivement sur le territoire français car ils sont moins chers. «La principale conséquence, pour la filière laitière française est la complète destructuration des marchés mondiaux, en volume comme en valeur», indique Véronique Pilet.

• Manque à gagner pour l’UE

Au niveau européen, la perte est, mathématiquement, plus élevée. Par rapport à la période équivalente un an auparavant, les exportations agro-alimentaires globales de l’UE vers la Russie entre août 2014 et mai 2015 sont passées de 9,4 milliards d’euros à 5,4 milliards d’euros, soit une baisse de 43%, peut-on lire dans un document de la Commission européenne qui précise que cette baisse est entraînée par la dévaluation du rouble. Bilan? «L’impact est clairement moindre que les chiffres annoncés», relativise Michael E. Lambert.

AFP