La Russie s’empresse de renflouer ses banques fragilisées

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électroniques affichant les taux de change dans le centre de Mouscou, le 27 janvier 2014 (Photo : Alexander Nemenov)

[31/12/2014 15:30:03] Moscou (AFP) Entre les sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne et l’effondrement du rouble, les banques russes abordent 2015 extrêmement fragilisées et l’Etat s’empresse de les renflouer pour les préparer à ce qui s’annonce comme une dure récession.

Dans les dernières heures d’une année qui aura vu le rouble perdre 41% de sa valeur face au dollar et la Russie s’isoler comme rarement depuis la chute de l’URSS, le gouvernement russe a recapitalisé coup sur coup les numéro deux et trois du secteur bancaire, VTB et Gazprombank.

Ces injections, prévues, précèdent un vaste renflouement du système financier mis sur pied d’urgence pour contrer les effets de la crise monétaire sur les comptes des établissements bancaires. Prévu pour début 2015 et chiffré à 1.000 milliards de roubles (14 milliards d’euros), ses bénéficiaires doivent être connus d’ici à la mi-janvier 2015.

D’ores et déjà, VTB, s’est vu verser mardi 100 milliards de roubles (1,4 milliard d’euros) et doit recevoir au premier trimestre 150 milliards de roubles supplémentaires (2,1 milliards d’euros).

Gazprombank, établissement créé par le gazier Gazprom en 1990 pour financer la production d’hydrocarbures mais devenue une banque généraliste complète avec quatre millions de clients, est recapitalisée à hauteur de 40 milliards de roubles (560 millions d’euros).

Cet été, ces deux groupes bancaires avaient été ajoutées à la liste noire des entreprises sanctionnées par les Etats-Unis pour l’annexion de la Crimée par la Russie et son rôle dans le conflit dans l’Est de l’Ukraine qui a fait plus de 4.700 morts.

Les mesures de rétorsion annoncées dans la foulée par Bruxelles les privent, comme toutes les grandes banques publiques, de financement à long terme sur les marchés européens. Or, ces banques jouent un rôle essentiel pour financer l’activité économique et le gouvernement avait fait savoir rapidement qu’il était prêt à les soutenir, de même que des grands groupes énergétiques comme le pétrolier Rosneft ou le gazier Novatek.

VTB a promis que l’aide versée servirait à financer des travaux d’infrastructures. L’Etat a aussi débloqué mercredi des fonds directement pour plusieurs projets cruciaux: 50 milliards de roubles (720 millions d’euros) pour la modernisation des lignes de chemin de fer à travers la Sibérie (Transsibérien et BAM) et 150 milliards (2,1 milliards d’euros) pour la production de gaz sur la péninsule de Iamal dans le Grand Nord.

– Hémorragie –

Le soutien du secteur financier s’annonce indispensable pour traverser 2015: les autorités russes ont prévenu que le produit intérieur brut pourrait chuter de plus de 4%, après une croissance évaluée pour 2014 à 0,6%, et aucune reprise n’est prévue avant 2017. Les revenus budgétaires sont plombés par la chute des cours du pétrole et le déficit pourrait dépasser 3% du PIB en 2015 après plusieurs années d’équilibre.

Renforcer les banques est devenu plus que jamais nécessaire vu le plongeon subi par le rouble à la mi-décembre, d’une violence plus vue depuis le placement de la Russie en défaut de paiement en 1998.

Si la monnaie russe s’est reprise depuis, le prix de cette crise monétaire est lourd pour le secteur, jugé vulnérable avec plus de 800 établissements hérités des années post-soviétiques.

Pour défendre la monnaie, la banque centrale a dû augmenter son taux directeur à 17%, un durcissement monétaire qui renchérit l’accès aux liquidités et risque de rendre intenable tout emprunt pour les ménages et entreprises.

Déjà en manque de carburant, le secteur financier a dû faire face à une hémorragie de la part des déposants lorsque le rouble s’effondrait. Les Russes ont converti en masse des roubles en devises étrangères (pour 30 milliards de dollars au total sur l’année selon le ministre de l’Economie). Pire: ils se sont mis à retirer leurs roubles pour les conserver en liquides de peur d’un effondrement du système, comme dans les années 1990.

Signe de la violence du phénomène, la banque centrale a dû mettre sous tutelle d’urgence une grosse banque, Trust, et la renflouer à hauteur de 127 milliards de roubles (1,8 milliard d’euros), ce qui en fait le deuxième plus gros sauvetage bancaire de la Russie post-soviétique.