2014 : en “échec” face à la courbe du chômage, le gouvernement inverse sa com’

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ésident François Hollande à Saint-Pierre et Miquelon le 24 décembre 2014 (Photo : Jean-Christophe l’Espagnol)

[27/12/2014 07:41:36] Paris (AFP) “L?inversion de la courbe du chômage est bien amorcée”, certifiait François Hollande en décembre 2013. Un an après, la méthode Coué a laissé place au discours de vérité: le gouvernement est en “échec” face au chômage et il l’assume.

Depuis le début de l’année, Pôle emploi a accueilli 181.000 chômeurs supplémentaires en métropole, pour un record de 3,49 millions de demandeurs d’emploi sans activité fin novembre. Même le taux de chômage de l’Insee, moins sévère, est reparti à la hausse au 3e trimestre, à 9,9% en métropole et 10,4% avec l’outremer, et devrait encore progresser d’ici à mi-2015.

Pourtant, en début d’année, le gouvernement croyait toujours à l’inversion, maintes fois promise pour fin 2013.

Début mars, l’Insee annonce une baisse du chômage au dernier trimestre 2013. Pour Michel Sapin, alors ministre du Travail, l’engagement de François Hollande est “respecté”.

Mais les chômeurs continuent d’affluer à Pôle emploi et François Hollande dresse un constat d’échec: “J’avais dit qu’on allait inverser la courbe du chômage (…) ce n’est pas venu”, admet-il le 14 juillet.

“C’était risqué de se donner une échéance aussi précise, car il s’exposait à un retour de bâton assez désastreux en cas d’échec”, analyse Bruno Jeanbart, de l’institut de sondage OpinionWay. “De manière générale, cette communication optimiste par rapport à la réalité vécue par les Français était plutôt une erreur”, juge-t-il.

Selon lui, cependant, “il y a clairement un changement depuis avril”, avec l’arrivée à Matignon de Manuel Valls, “qui assume un discours de vérité”.

– Pas de croissance, pas d’emploi –

Nouveau gouvernement, nouvelle communication. Au ministère du Travail, François Rebsamen remplace Michel Sapin, l’homme de la non-inversion. Promis, le nouveau venu ne commentera plus les chiffres mensuels.

“En termes de communication, c’est plutôt intelligent, juge Bruno Jeanbart. Cela permet de ne pas céder à l’instantanéité sur un sujet de long terme comme le chômage.”

M. Rebsamen garde tout de même d’abord un discours optimiste. “Nous sommes sur une tendance baissière”, assure-t-il avant ses premiers chiffres. Suivront cinq mois consécutifs de hausse.

Ensuite, le ministre sera plus prudent. “Avec 0% de croissance, on ne crée pas d’emploi”, concédera-t-il dès la mi-mai. Cela deviendra un leitmotiv avant chaque publication de mauvais chiffres.

Après un énième record, le discours de vérité se transforme en aveu d’impuissance: “On a beau faire feu de tout bois, tant qu’une croissance plus forte n’est pas là, il n’y a pas assez de création d?emplois. Ajoutez une faible inflation… Soyons honnêtes: nous sommes en échec”, reconnaît François Rebsamen fin octobre.

Un constat partagé par 97% des Français, selon l’institut Odoxa.

– Pas beaucoup mieux en 2015 –

Clef de voûte de la politique du gouvernement, le pacte de responsabilité tarde à produire des effets. Le principe: 40 milliards d’euros d’ici à 2017 pour les entreprises, invitées en échange à investir, embaucher, former.

Mais pour l’économiste Philippe Waechter (Natixis), la mise en oeuvre du Pacte est “trop lente” et “la communication est problématique”: “On ne sait pas qui pilote le Pacte: le gouvernement ou les entreprises. C’est source d’inefficacité.”

“C’est une politique de moyen terme: pour 2014, l’effet +emploi+ à attendre du Pacte était proche de zéro, on le savait”, estime Eric Heyer, économiste à l’OFCE, un institut de recherche. “Dans un premier temps, les entreprises se servent surtout du pacte pour reconstituer leurs marges, pas pour embaucher.”

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çois Rebsamen à Paris le 16 décembre 2014 (Photo : Bertrand Guay)

Le Pacte devrait tout de même engendrer un surcroît de 80.000 emplois en 2015, prévoit l’Insee.

Dans l’urgence, l’exécutif a aussi poursuivi sa politique d’emploi subventionné, mais à un rythme moins soutenu. Après 538.000 nouveaux contrats aidés en 2013, le gouvernement en a prescrit 430.000 en 2014.

C’est “trop peu”, estime Eric Heyer. Selon lui, cette politique de court terme est cruciale “tant que l’emploi privé ne repart pas” et ne coûte “pas forcément plus que de laisser les gens au chômage.”

“Cela permet de gagner du temps, mais ça ne sert à rien si on ne crée pas les conditions pour que l’emploi privé prenne le relais, prévient M. Waechter. Mais aujourd’hui, tout semble à l’arrêt.”

François Rebsamen espère pourtant un “retournement mi-2015”. Les organisations internationales, elles, évoquent 2016.

“2015, ce sera un peu mieux, mais pas beaucoup mieux, prédit Eric Heyer. La croissance va légèrement s’accélérer, mais dans un premier temps, les entreprises en profiteront pour absorber leurs sureffectifs.”

François Hollande, lui, a repoussé l’échéance à 2017, laissant entendre qu’il ne se représenterait pas si le chômage ne baissait pas d’ici là.