L’assouplissement de l’embargo américain, bol d’air pour l’économie cubaine

69c0c1000233c7f16e3ecb123c78f2d884b6c233.jpg
éréales le 5 novemgre 2014 à La Havane (Photo : Yamil Lage)

[18/12/2014 07:04:00] La Havane (AFP) L’assouplissement de l’embargo américain qui pèse depuis plus d’un demi-siècle sur Cuba va avoir un impact favorable, rapide et multiple sur une économie cubaine moribonde malgré les récentes réformes du régime communiste, estiment les experts.

Les mesures économiques annoncées mercredi par Barack Obama “provoqueront non seulement un bond du commerce avec les Etats-Unis et un afflux accru de touristes, mais enverront aussi un signal très favorable à la communauté internationale sur l’avenir économique de l’île”, expose à l’AFP l’économiste cubain Pavel Vidal, de l’université Javeriana de Cali, en Colombie.

Les principales dispositions du blocus commercial instauré en 1962 par le président Kennedy sont maintenues, en attendant leur éventuelle levée par le Congrès.

Mais une série de mesures a déjà été annoncée pour favoriser les échanges économiques entre les deux pays.

Ainsi pour la première fois depuis des décennies, les Américains pourront désormais utiliser leurs cartes de crédit à Cuba et les institutions américaines pourront ouvrir des comptes dans les institutions financières cubaines.

Chaque année, plus de 90.000 citoyens américains se déplacent à Cuba, malgré les restrictions contre l’île qui empêchent les Nord-Américains d’y dépenser de l’argent ou d’importer des produits cubains.

Un chiffre qui risque d’augmenter car l’administration Obama va lever dans les prochaines semaines les restrictions de voyage vers Cuba pour les 12 catégories de voyageurs qui sont actuellement autorisées sous conditions, dont par exemple les parents des habitants de l’île.

Dans le même temps, le plafond pour l’envoi d’argent depuis les Etats-Unis vers Cuba passera de 500 à 2.000 dollars par trimestre. Et ces sommes pourront être consacrées à l’entreprenariat privé.

“Des effets favorables sont prévisibles pour l’économie à moyen terme, mais aussi à brève échéance avec l’augmentation des touristes et des investissements. Cela va bénéficier à la fois aux grandes entreprises et au secteur privé émergent de petite échelle”, poursuit M. Vidal. Ces secteurs pâtissent cruellement d’un déficit structurel en investissements, précise-t-il.

– Un impact au-delà des Etats-Unis –

Ces dernières années, le régime communiste a lancé une série de réformes pour stimuler le petit commerce privé, qui concerne aujourd’hui un demi-million de Cubains. Il a donné à 140.000 agriculteurs des terres en usufruit, qui sont venus s’ajouter à 100.000 petits propriétaires.

Pour ces petits opérateurs économiques, l’autorisation par Washington de la vente et l’exportation de certains “biens et services” à destination du secteur privé cubain pourrait aussi constituer une réelle bouffée d’air frais.

Et si la normalisation cubano-américaine est menée à bien, avec un retrait de l’île de la liste des pays soutenant le terrorisme, “les coûts et risques d’entretenir des relations avec l’économie cubaine se réduiraient considérablement”, estime M. Vidal.

Pour l’expert, ces nouvelles dispositions surviennent à un moment “idéal pour le début de la nouvelle politique en faveur de l’investissement étranger et pour la Zone spéciale de développement (du port de) Mariel, qui portent aujourd’hui les espoirs d’augmentation de la croissance du PIB cubain”.

De même, la situation pourrait soulager les Cubains, inquiets de la situation économique délicate de son partenaire vénézuélien, qui lui cède du pétrole à des conditions très avantageuses.

En juin dernier, les autorités cubaines ont adopté une nouvelle loi sur les investissements étrangers, indispensables pour redynamiser une économie au point mort et accompagner la libéralisation partielle de l’initiative privée.

Ouverts depuis 2001 à certains types d’aliments et de produits pharmaceutiques, les échanges entre Cuba et les Etats-Unis, 9e partenaire commercial de l’île, sont aujourd’hui en déclin. En 2008, ils s’élevaient encore à 962 millions de dollars, contre 401 millions en 2013.

Ce commerce, circonscrit aux navires non cubains et assorti d’une interdiction du crédit, a été freiné lorsque l’administration de George W. Bush a interdit les règlements en dollars et exigé le paiement à l’avance avance des produits américains.

Aujourd’hui, le président Obama propose de revenir sur ces restrictions et d’aller jusqu’à autoriser des banques américaines à ouvrir des représentations à Cuba pour faciliter les paiements.

“Pour Cuba, c’est une opportunité de relancer les processus de réforme économique, de libéralisation politique et d’une ouverture accrue”, souhaite l’universitaire cubain Arturo Lopez-Levy, de l’Université de New York.