2014 : en “échec” face à la courbe du chômage, le gouvernement français inverse sa com’

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à un forum à Arras, dans le Pas-de-Calais, le 14 octobre 2014 (Photo : Philippe Huguen)

[08/12/2014 10:14:37] Paris (AFP) “L’inversion de la courbe du chômage est bien amorcée”, certifiait François Hollande en décembre 2013. Un an après, la méthode Couet a laissé place au discours de vérité: le gouvernement est en “échec” face au chômage et il l’assume.

Les chiffres sont sans équivoque. Depuis le début de l’année, Pôle emploi a accueilli 153.600 chômeurs supplémentaires en métropole, pour un record de 3,46 millions à fin octobre. Même le taux de chômage de l’Insee, moins sévère, est reparti à la hausse au 3e trimestre, à 9,9% en métropole et 10,4% avec l’outremer.

Pourtant, en début d’année, le gouvernement croyait toujours à l’inversion, maintes fois promise pour fin 2013.

Début mars, l’Institut national de la statistique annonce une baisse du chômage au dernier trimestre 2013. Pour Michel Sapin, alors ministre du Travail, l’engagement de François Hollande est “respecté”.

Mais les demandeurs d’emploi continuent d’affluer à Pôle emploi et François Hollande dresse un constat d’échec: “J’avais dit qu’on allait inverser la courbe du chômage (…) ce n’est pas venu”, admet-il le 14 juillet.

“C’était risqué de se donner une échéance aussi précise, car il s’exposait à un retour de bâton assez désastreux en cas d’échec”, analyse Bruno Jeanbart, de l’institut de sondage OpinionWay. “De manière générale, cette communication optimiste par rapport à la réalité vécue par les Français était plutôt une erreur”, juge-t-il.

Mais selon lui, “il y a clairement un changement depuis avril”, avec l’arrivée à Matignon de Manuel Valls, “qui assume un discours de vérité”.

– Pas de croissance, pas d’emploi –

Nouveau gouvernement, nouvelle communication. Au ministère du Travail, François Rebsamen remplace Michel Sapin, l’homme de la non-inversion. Promis, le nouveau venu ne commentera plus les chiffres mensuels.

“En termes de communication, c’est plutôt intelligent, juge Bruno Jeanbart. Cela permet de ne pas céder à l’instantanéité sur un sujet de long terme comme le chômage.”

Dans un premier temps, M. Rebsamen garde tout de même un discours optimiste. “Nous sommes sur une tendance baissière”, assure-t-il avant ses premiers chiffres. Suivront cinq mois consécutifs de hausse.

Par la suite, le ministre sera plus prudent. “Avec 0% de croissance, on ne crée pas d’emploi”, concèdera-t-il dès la mi-mai. Cela deviendra un leitmotiv avant chaque publication de mauvais chiffres.

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ômage toujours en hausse (Photo : V. Breschi/P. Defosseux)

Après un énième record fin octobre, le discours de vérité se transforme en aveu d’impuissance: “On a beau faire feu de tout bois, tant qu’une croissance plus forte n’est pas là, il n’y a pas assez de création d?emplois. Ajoutez une faible inflation… Soyons honnêtes: nous sommes en échec”, reconnaît François Rebsamen.

Un constat partagé par 97% des Français, selon l’institut Odoxa.

– Pas beaucoup mieux en 2015 –

Clef de voûte de la politique du gouvernement, le pacte de responsabilité tarde à produire des effets. Le principe: 40 milliards d’euros d’ici à 2017 pour les entreprises, invitées en échange à investir, embaucher, former.

Mais pour l’économiste Philippe Waechter (Natixis), la mise en oeuvre du Pacte est “trop lente” et “la communication est problématique”: “On ne sait pas qui pilote le Pacte: le gouvernement ou les entreprises. C’est source d’inefficacité.”

“C’est une politique de moyen terme: pour 2014, l’effet +emploi+ à attendre du Pacte était proche de zéro, on le savait”, estime pour sa part Eric Heyer, économiste à l’OFCE, un institut de recherche. “Dans un premier temps, les entreprises se servent surtout du pacte pour reconstituer leurs marges, pas pour embaucher.”

Dans l’urgence, l’exécutif a aussi poursuivi sa politique d’emploi subventionné, mais à un rythme moins soutenu. Après 538.000 nouveaux contrats aidés en 2013, le gouvernement en a prescrit 430.000 en 2014.

C’est “trop peu”, estime Eric Heyer, pour lequel cette politique de court terme est cruciale “tant que l’emploi privé ne repart pas”. “Cela a un coût, bien sûr, mais pas forcément plus que de laisser les gens au chômage.”

“Cela permet de gagner du temps, mais ça ne sert à rien si on ne crée pas les conditions pour que l’emploi privé prenne le relais, prévient M. Waechter. Mais aujourd’hui, tout semble à l’arrêt.”

François Rebsamen espère pourtant un “retournement mi-2015”. Les organisations internationales, elles, repoussent l’échéance à 2016.

“2015, ce sera un peu mieux, mais pas beaucoup mieux, prédit Eric Heyer. La croissance va légèrement s’accélérer, mais dans un premier temps, les entreprises en profiteront pour absorber leurs sureffectifs.”

L’échéance pour François Hollande, ce sera au plus tard 2017: le chef de l’Etat a assuré qu’il ne se représenterait pas si le chômage ne baissait pas d’ici là.