Brésil : tensions autour des enchères d’une immense concession de pétrole

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étrole à Rio de Janeiro, le 21 octobre 2013 (Photo : Christophe Simon)

[21/10/2013 17:00:35] Rio de Janeiro (AFP) Le gouvernement brésilien met aux enchères lundi à Rio sa plus grande concession de pétrole pré-salifère dans un contexte tendu marqué des heurts entre forces de l’ordre et manifestants qui redoutent une “privatisation du pétrole”.

En fin de matinée, un groupe de 200 manifestants radicaux a tenté de forcer un barrage de sécurité près de l’hôtel de Barra da Tijuca (zone ouest), où doivent se tenir dans l’après-midi les enchères du champ pétrolifère de Libra. Ils ont été repoussés par les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, a constaté un journaliste de l’AFP.

La manifestation, qui avait commencé de façon pacifique avec les travailleurs du pétrole en grève, a dégénéré avec l’arrivée de manifestants masqués, dont des anarchistes Black Blocs. Selon le commandement militaire de l’Est de Rio, cinq personnes ont été blessées, dont un soldat par des jets de pierre.

La centrale syndicale FUP, à laquelle est affiliée la majorité des salariés du géant pétrolier brésilien Petrobras (contrôlé par l’Etat), a appelé à manifester pour dénoncer les “risques pour la souveraineté et les pertes que la nation brésilienne subira si des compagnies pétrolières multinationales s’approprient Libra”.

Plus de 1.000 policiers et soldats ont été déployés aux abords de l’hôtel.

“Nous avons appelé tous les Brésiliens patriotiques à venir défendre la souveraineté nationale et les Black Blocs sont les bienvenus. Nous allons rester ici pour résister et la grève va se durcir”, a prévenu Emanuel Cancella, le directeur du syndicat Sindipetro, interrogé par l’AFP.

Le gisement de Libra, mis aux enchères lundi, est enfoui sous une épaisse couche de sel entre 5 et 7 km sous le niveau de la mer. Il constitue le plus grand champ pré-salifère du Brésil sur 1.500 km2, soit environ un dixième de la surface totale des gisements en eaux profondes découverts en 2007.

Il recèle, selon les experts, des réserves de pétrole récupérables de 8 à 12 milliards de barils, qui permettrait de produire 1,4 million de barils de brut par jour dans cinq ans, selon l’Agence nationale du pétrole (ANP).

Les réserves brésiliennes de 15,3 milliards de barils actuellement pourraient ainsi doubler.

Un test pour le pré-salifère

Pour ces enchères, 11 entreprises ont déposé des garanties dont Shell (Angleterre-Pays-Bas) et Total (France). Les chinoises China National Corporation (CNPC) et China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) sont les favorites, selon les experts, recherchant avant tout la sécurité énergétique plus qu’un retour d’argent rapide.

Ces premières enchères serviront de test à l’avenir du secteur, ajoutent les experts puisque les prochaines n’auront lieu que dans deux ou trois ans, selon l’ANP.

Le géant pétrolier brésilien Petrobras, contrôlé par l?État, sera le seul opérateur et aura 30% de participation obligatoire dans la concession du gisement de Libra et d’une manière générale dans toutes les concessions des gisements pré-salifères, d’après une loi de 2010.

A l’initiative de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, cette loi vise à destiner la manne pétrolière à l’Education (75%) et à la Santé (25%).

Après ces enchères Petrobras pourrait assouplir les règles qui font d’elle le seul opérateur et lui octroie 30% du consortium vainqueur, selon M. Assis

Selon des estimations de la Fondation Getulio Vargas (FGV, privée) diffusées dimanche par le quotidien O Globo, les investissements dans le pré-salifère pourraient atteindre 1.700 milliards de dollars dans le pays au cours des 30 prochaines années et permettront la création de 87 millions d’emplois directs et indirects.

L’Etat brésilien devra recevoir au moins 41,6% du pétrole produit à Libra, selon l’appel d’offres et l’enchère sera remportée par l’entreprise ou consortium offrant le plus de pétrole à l’Etat brésilien, ont déjà annoncé les autorités.

“Nous ne sommes pas en train de privatiser le pétrole du pré-salifère, au contraire, nous nous approprions cette richesse immense qui se trouve sous la mer et à l’intérieur de la terre”, a déclaré samedi le ministre des Mines et de l’Energie.