Climat, pauvreté : le patron de la Banque mondiale veut agir

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ésident de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, le 27 juin 2013 à Washington (Photo : Mandel Ngan)

[29/06/2013 10:25:43] Washington (AFP) Président de la Banque mondiale depuis un an, Jim Yong Kim s’est efforcé de recentrer son institution sur la lutte contre la pauvreté et le réchauffement climatique mais il doit désormais passer des paroles aux actes, estiment des experts.

Le choix de cet Américain d’origine coréenne, médecin de formation et universitaire, avait marqué une rupture radicale avec les deux précédents patrons de l’institution. Recrutés dans l’administration Bush, Robert Zoellick et Paul Wolfowitz affichaient tous deux un CV vierge sur les questions de développement.

Moins connu –et moins controversé– que ses prédécesseurs, le “Docteur Kim” a pris ses fonctions en toute “humilité” mais a rapidement tenté d’imprimer sa marque sur ce mastodonte du développement, concurrencé par de nouveaux acteurs (Chine, secteur privé…) prêts à dépenser sans compter, notamment en Afrique.

“L’arrivée du Dr Kim a constitué une bouffée d’air frais comparé à d’anciens présidents (…) mais on ne peut pas encore dire s’il change la Banque pour le meilleur ou pour le pire”, juge Peter Chowla, de l’organisation Bretton Woods Watch, qui scrute l’action de l’institution.

Selon une source interne à la Banque, la personnalité et l’action du dirigeant divisent: “Il y a ceux qui sont admiratifs et d’autres qui estiment qu’il est trop dans la communication”.

Sous son mandat, la Banque a d’abord marqué les esprits en publiant un rapport mettant en garde contre le “cataclysme” du réchauffement climatique, un terrain qui lui est peu familier et qui est d’ordinaire occupé par les Nations unies.

“La Banque mondiale a l’immense responsabilité de mettre en garde la planète contre le changement climatique”, assure M. Kim dans un entretien exclusif accordé à l’AFP.

Immense défi

Cette nouvelle approche ne va pas sans contradictions. Soucieuse d’aider les 1,2 milliard d’habitants privés d’électricité, l’institution continue à financer des projets de développement fondés sur les énergies fossiles, notamment une centrale à charbon au Kosovo, au grand dam des organisations de défense de l’environnement.

“Il sera impossible de s’orienter dès maintenant vers un monde sans énergies fossiles”, reconnaît le président de la BM, assurant que les pays émergents qui ont peu contribué au réchauffement climatique y seraient tout à fait opposés.

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ésident de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, le 27 juin 2013 à Washington (Photo : Mandel Ngan)

L’autre grand chantier du Dr Kim ne sera pas, lui non plus, de tout repos. Début avril, le dirigeant a fixé l’objectif d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici à 2030, en faisant reculer de 21% à 3% la proportion de gens vivant avec moins de 1,25 dollar par jour.

“On attendait que la Banque se fixe une stratégie et se recentre sur sa mission de réduire la pauvreté. C’est déjà une grande réussite”, estime Nicolas Mombrial, responsable d’Oxfam à Washington.

L’objectif est louable mais le défi immense. La Banque doit désormais trouver les moyens d’accélérer la croissance économique pour faire reculer la pauvreté sans nuire davantage à l’environnement.

M. Kim “est dans une situation difficile”, estime Lawrence MacDonald, du Center for global development, un centre de réflexion de Washington. “Il a raison de sonner l’alarme sur le climat mais j’ai bien peur que son objectif sur le climat et celui sur la pauvreté entrent en conflit”.

Le dirigeant assure que des solutions existent mais il doit à présent convaincre les 188 Etats-membres et les quelque 10.000 employés de l’institution.

La tâche ne sera pas aisée. Dans un récent document interne obtenu par l’AFP, le président Kim dénonçait la “culture de la peur” qui freinerait les initiatives au sein de l’institution et serait utilisée pour justifier l’inaction.

Certaines réactions à ce discours, publiées sur l’intranet de la Banque, témoignent d’un climat de défiance encore très lourd. “La Banque n’a jamais été une institution honnête envers elle-même ou envers ses clients”, témoigne ainsi un employé anonyme.

Un autre se montre tout aussi sévère: “Est-ce que la Banque est elle-même prête à prendre le risque de dire à ses Etats-membres qu’ils sont corrompus et que beaucoup d?entre eux sont eux-mêmes les principaux obstacles au développement?”.