Brésil : les réseaux sociaux, ces autres avenues où l’on manifeste

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ésiliens manifestent, le 21 juin 2013 à Belo Horizonte, contre la hausse des prix des transports (Photo : Nelson Almeida)

[22/06/2013 17:16:31] Sao Paulo (AFP) Un déluge de tweets, de commentaires sur Facebook et des milliers de photos postées sur Instagram. Au Brésil, les jeunes manifestent une pancarte à la main et un smartphone dans l’autre pour tout archiver: les manifestations brésiliennes se déroulent tout autant sur les réseaux sociaux que dans la rue.

Ils sont le grand canal de communication de ces presque deux semaines de protestations, qui ont laissé le monde bouche bée, habitué à l’idée que les rues brésiliennes ne s’animent que lors du Carnaval.

La phrase “Le géant s’est réveillé” s’est transformée en slogan, et son message s’est répandu comme une traînée de poudre grâce à Internet.

“Quand le peuple se réveille, le gouvernement ne dort pas”, a posté un jeune Brésilien sur le réseau social de micro-blogging Twitter. “Il a mis du temps à se réveiller, et maintenant il va mettre du temps pour se rendormir”, a averti un autre.

“Assez de corruption” est l’un des autres leitmotivs favoris des manifestants dans ce pays qui a connu récemment un procès historique contre de hauts responsables accusés de corruption, membres du Parti des travailleurs (gauche), au pouvoir depuis dix ans depuis l’élection de Luiz Inacio Lula da Silva en 2003.

Sur Twitter, une internaute exprimait sa joie de voir jeudi dans les rues du pays plus de 1,2 million de personnes protestant contre des sujets très variés, dont l’importante facture des installations pour le Mondial de football 2014, des infrastructures de transports de piètre qualité et la classe politique.

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à Belo Horizonte, contre la hausse des prix des transports (Photo : Daniel Guimaraes)

“Quel orgueil, hier c’était beau!”, a-t-elle commenté, ajoutant à son message les mots-clés #ogiganteacordou (le géant s’est réveillé) et #vemprarua (viens dans la rue), autre slogan de ces mobilisations, les plus grandes depuis deux décennies au Brésil.

Les commentaires pleuvaient aussi sur le discours vendredi de la présidente Dilma Rousseff, au cours duquel elle a promis de répondre aux attentes des manifestants: “Espérons qu’elle fasse tout ce qu’elle dit. Je veux des échéances”, exigeait une utilisatrice de Twitter.

Cette vague de manifestations, née d’une grogne contre l’augmentation du prix des transports, s’est transformée en une révolte généralisée contre “tout ce qui va mal dans ce pays”, comme l’a expliqué à l’AFP un jeune manifestant lors d’une marche à Sao Paulo.

Quelqu’un te surveille

Mais les réseaux sociaux permettent aussi aux services de renseignement brésiliens de s’informer.

“Ce que nous recueillons via Internet, ce sont des informations publiques, comme les dates des manifestations”, a déclaré à l’AFP Gustavo Weber, attaché de presse de l’Agence brésilienne du renseignement (Abin).

Cette semaine, le journal O Estado de Sao Paulo a annoncé que les services de renseignement brésiliens surveillaient les manifestations non seulement via les réseaux sociaux mais aussi grâce aux services de messagerie, comme l’application pour smartphones Whatsapp.

Ce qu’a nié Gustavo Weber: “C’est inexact. Nous ne faisons aucune sorte d’espionnage, nous n’ouvrons pas les comptes des utilisateurs, nous n’obtenons pas les mots de passe”.

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é LGBT se joignent aux manifestants, le 21 juin 2013 à Sao Paulo (Photo : Daniel Guimares)

Sur Internet, les débats sont féroces et abordent, entre autres, la violence de certaines manifestations. Les autorités ont souligné le caractère généralement pacifique des rassemblements et ont condamné les actes de “vandalisme” qui ont eu lieu dans certaines villes, avec des scènes de pillages, des véhicules brûlés et des centaines de blessés.

“Il y a déjà eu deux morts, protestons pacifiquement, les gars”, a demandé une internaute, après avoir appris que les manifestations de jeudi avaient causé la mort de deux personnes.

La lutte continue

A l’origine des premières manifestations à Sao Paulo, le Mouvement Passe Livre (Libre passage, MPL) a confirmé qu’il continuerait à organiser des manifestations, même si les autorités ont annulé la hausse de prix des transports publics.

Certains porte-parole du mouvement avaient déclaré vendredi qu’ils suspendaient les appels à manifester, pour marquer leur refus de la violence et en raison de l’opposition de certains manifestants à ce que se joignent à eux des membres de partis politiques.

A l’idée que le MPL cesse de manifester, Twitter bruissait de critiques. “La lutte continue. Pour que le Brésil change, la lutte ne peut cesser!”, écrivait un membre du réseau social.

Sur Internet du moins, les Brésiliens paraissaient toujours déterminés à manifester, et de nouveaux rassemblements étaient annoncés samedi.