“Le système financier tunisien doit s’adapter à un environnement international plus exigeant” (Jean-François Pons)

jean-francois-pons-2013.jpgRencontré à l’occasion de la tenue du Forum de L’Economiste maghrébin, Jean-François Pons, délégué aux affaires européennes et internationales à la Fédération bancaire française (FBF), en charge de sa représentation à Bruxelles et membre du Comité exécutif de la Fédération bancaire européenne, nous a présenté les normes contraignantes pour les banques universelles en général ainsi que pour les marchés financiers, et comment la place financière tunisienne devrait s’adapter à cet environnement international plus exigent.

Interview.

WMC : Pourriez-vous nous présenter d’une manière générale les nouvelles contraintes qui caractérisent actuellement l’environnement financier international?

Jean-François Pons : L’environnement financier international est caractérisé actuellement, et probablement pour plusieurs années, essentiellement par trois facteurs, à savoir une plus grande compétition des grandes zones mondiales pour attirer des financements longs, une plus grande aversion au risque des investisseurs, et encore des normes beaucoup plus contraignantes pour les banques et pour les marchés.

Ces trois facteurs doivent-ils inciter le secteur financier tunisien à accélérer sa modernisation ?

Bien évidemment parce que les grandes zones économiques mondiales sont toutes à la recherche de financements longs. Les Etats-Unis et l’Europe, par ce que ces deux zones cherchent à faire repartir leurs économies en particulier en soutenant les investissements innovants, tout en refinançant leur dette publique élevée; mais également les pays émergents et l’Afrique qui ont d’immenses besoins en infrastructures.

D’ailleurs, et comme j’ai bien précisé dans mon intervention, selon la Banque mondiale, pour atteindre le taux de croissance de 7% nécessaire pour réduire de moitié la pauvreté, l’Afrique devait investir 5% de son PIB dans l’infrastructure et consacrer encore 4% supplémentaires aux activités d’exploitation et d’entretien de cette infrastructure.

Les besoins annuels pour la prochaine décennie s’élèvent ainsi à 15% du PIB (dont la moitié pour l’Energie), soit un taux comparable à celui de la Chine au cours de la dernière décennie.

Mais compte tenu de la situation sociopolitique que connaît la Tunisie, les investisseurs sont de plus en plus averses au risque…

Incontestablement les dernières crises économiques et financières enregistrées ont rendu les investisseurs internationaux extrêmement attentifs aux risques et en particulier à la solidité de leurs emprunteurs. Cela a abouti à des différentiels élevés de taux entre pays, y compris entre pays de la zone euro, ainsi qu’entre les entreprises. Et c’est pour cette cause d’ailleurs que le Comité de Bâle a exigé des normes beaucoup plus contraignantes visant à renforcer l’efficience et la transparence des marchés financiers, et à garantir une meilleure protection des investisseurs.

Dans ce cas, l’attraction d’investissements étrangers sera plus difficile pour la Tunisie. Qu’en pensez-vous?

L’attraction d’investissements étrangers dépendra à la fois de la conjoncture et des perspectives macroéconomiques, mais aussi politiques et sociales du pays, et enfin de la solidité et de l’efficacité du système financier national. En tout cas, le système financier tunisien devra s’adapter à cet environnement international plus exigeant.

Les banques tunisiennes, de leur côté, devront, comme les banques européennes, s’adapter à des normes internationales plus strictes et donc améliorer leurs fonds propres et leur liquidité, mais aussi leur gouvernance, leur transparence et surtout leur gestion des risques.