La justice créé le chaos dans les tarifs de gaz et d’électricité

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électricité (Photo : Philippe Huguen)

[02/12/2012 09:31:54] PARIS (AFP) Un tourbillon judiciaire embrouille plus que jamais les factures d’énergie: les Français devront payer plus cher leur gaz et sans doute verser un deuxième rattrapage à GDF Suez, mais auraient surpayé leur électricité sans qu’on sache combien ils pourraient récupérer.

Mercredi, le Conseil d’Etat, saisi par des collectivités il y a trois ans, a annulé le tarif d’acheminement de l’électricité (turpe), qui sert à rémunérer les réseaux électriques.

Au motif sérieux que les frais financiers d’ERDF, filiale d’EDF qui gère le réseau électrique de proximité, avaient été surévalués par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), et que des provisions avaient été payées en double par les consommateurs.

D’après des estimations des collectivités, le trop-perçu d’ERDF représenterait des milliards d’euros, mais il est impossible à ce stade de prévoir combien les consommateurs pourraient réellement percevoir, et sous quelle forme, la CRE ayant six mois pour revoir sa copie.

Jeudi, EDF a douché les espoirs d’un remboursement rapide, en assurant que si trop-perçu il y avait, le prochain tarif d’acheminement serait simplement diminué d’autant. En clair, il ne faut pas s’attendre à recevoir un chèque de sitôt mais de futures factures pourraient être allégées.

Le lendemain, le Conseil d’Etat a pris une autre décision qui devrait conduire, à l’inverse, à allonger la note de gaz des Français, et cette fois à brève échéance.

Il a invalidé le plafonnement à 2% de la hausse des tarifs réglementés du gaz appliquée par le gouvernement au 1er octobre, estimant que c’était loin de couvrir les charges de GDF Suez, comme l’avait déjà calculé la CRE.

Résultat, le gouvernement devra sans doute relever significativement les tarifs de GDF Suez au 1er janvier et un nouveau rattrapage rétroactif sur les factures risque d’être accordé à de GDF Suez, qui avait déjà obtenu gain de cause l’an dernier après un gel tarifaire. Le gouvernement dévoilera ses intentions le 10 décembre.

des consommateurs déboussolés

Ces décisions ont de quoi déboussoler les consommateurs, qui ne comprennent déjà pas grand-chose au fonctionnement du marché de l’énergie, comme l’ont prouvé moult études.

“La parole des opérateurs, du régulateur et du gouvernement est mise en doute aux yeux des consommateurs, qui peuvent se demander si leurs intérêts sont efficacement protégés comme ce devrait être le cas”, estime un bon connaisseur du secteur, qui préfère garder l’anonymat.

Pour Thierry Saniez, délégué général de la CLCV, l’annulation du Turpe “ne fait qu’accentuer l’illisibilité des tarifs pour les consommateurs, alors qu’au départ, il y a déjà un grand manque d’information et de pédagogie. Cela prouve que personne n’y comprend rien et que même les experts sont perdus”.

Si trop-perçu il y a, “il faut qu’il y ait un remboursement, et tout de suite”, insiste-t-il.

Quant au gaz, “le gouvernement, comme son prédécesseur, est mis au pied du mur: soit on réforme les règles, soit on renonce à faire des déclarations sans aucun fondement juridique, sachant qu’elles vont être retoquées par le Conseil d’Etat quelques mois plus tard”.

Pour sortir de cette équation en apparence insoluble, le président de la CRE, Philippe de Ladoucette, a suggéré mercredi de commencer par traiter le problème de la précarité énergétique, qui touche 4 millions de foyers.

“Tant qu’on n’aura pas réglé ce problème, on n’aura pas la possibilité d’aborder de façon sereine l’augmentation nécessaire pour payer le prix réel de l’électricité”, a-t-il souligné lors d’un colloque.

Las, la proposition de loi sur le bonus/malus de l’énergie présentée à la rentrée, qui prévoyait justement d’étendre les tarifs sociaux de l’énergie, n’a toujours pas été adoptée suite à son rejet au Sénat.