Sécheresse : avec la flambée des céréales, le spectre d’une crise alimentaire refait surface

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Indiana, aux Etats-Unis (Photo : Scott Olson)

[20/07/2012 16:42:59] PARIS (AFP) Quand la sécheresse touche les Etats-Unis, c’est toute la planète qui tremble: en un mois, les prix du maïs, du blé et du soja se sont envolés de 30 ou 50%, atteignant ou dépassant leur niveau de 2007-08 et faisant resurgir le spectre d’une crise alimentaire et des émeutes de la faim.

“Alors qu’il y a quelques semaines nous étions optimistes, la situation s’est retournée d’un seul coup et nous sommes maintenant inquiets”, reconnaît Abdolreza Abbassian, économiste pour l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Il y a encore peu, la récolte mondiale de blé était attendue en léger recul mais tous les experts pensaient que ce serait compensé par une production record de maïs. Las, la sécheresse américaine a balayé toutes ces prévisions optimistes.

Depuis le début du mois de juin, les grandes plaines agricoles américaines sont soumises à des températures extrêmes et un sévère manque d’eau, ce qui endommage les cultures notamment de maïs et de soja.

Et les Etats-Unis restent un acteur incontournable dans le monde agricole: ils représentent plus de la moitié des exportations de maïs dans le monde, un quart de celles de blé et un tiers de celles de soja.

“Les stocks mondiaux de céréales disponibles sur le marché sont à leur plus bas niveau historique. Le garde-manger n’est plus aussi rempli”, a reconnu Marc Sadler, un expert de la Banque mondiale.

Conséquence: les prix flambent et atteignent des niveaux proches voire supérieurs dans certains cas à ceux de 2008, année où les pays importateurs les plus pauvres avaient été secoués par des émeutes de la faim.

“S’il est trop tôt pour s’inquiéter outre mesure, la Banque mondiale surveille la situation de près pour évaluer les impacts potentiels pour nos clients”, a précisé M. Sadler.

Situation désastreuse en Afrique de l’Ouest

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Illinois, aux Etats-Unis (Photo : Scott Olson)

Déjà en alerte, les organisations internationales s’accrochent néanmoins à quelques signaux positifs et notamment la situation du riz. Cette céréale dont trois milliards d’humains dépendent devrait enregistrer une production record cette année et les prix ne suivent pas ceux du blé et du maïs.

“Nous allons avoir une saison difficile mais si cela ne se dégrade pas davantage nous devrions éviter la situation de 2008”, estime M. Abbassian.

Toutefois, les nouvelles venues des Etats-Unis sont de plus en plus alarmantes: les experts estiment que la canicule pourrait perdurer tout l’été et même jusqu’en octobre, grignotant donc encore un peu le potentiel des cultures et poussant probablement les prix vers des niveaux jamais atteints.

En mars, la FAO estimait déjà que la facture en céréales des pays pauvres importateurs atteindrait un niveau record en 2012. Avec des cours qui explosent et un taux de change défavorable, l’addition risque de devenir réellement insupportable pour ces pays.

“La hausse actuelle des prix est une catastrophe pour les pays d’Afrique de l’Ouest déjà dans une situation désastreuse”, explique Malek Triki, porte-parole du programme alimentaire mondial dans cette zone.

En juillet, les prix des céréales ont atteint leur plus haut niveau de l’année, mettant à mal les ménages dont les réserves ont été épuisées depuis longtemps, relate celui-ci.

“Alors que 18 millions de personnes souffrent déjà de la faim dans le Sahel, cette flambée est très alarmante”, confirme Clara Jamart d’Oxfam France.

Pour l’ONG, malgré la prise de conscience en 2008 après les émeutes de la faim et les tentatives du G20, rien n’a été réglé. “La situation alimentaire est tellement tendue qu’il suffit de n’importe quel aléa dans un grand pays producteur pour que tout bascule et que tout s’emballe. Nous n’avons pas réglé le problème et, pour ne rien arranger, la spéculation est toujours là”.