Smic : très faibles marges de manoeuvre pour le coup de pouce promis

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ège social de Supratec, à Bondoufle, en région parisienne, le 1er juin 2012 (Photo : Bertrand Langlois)

[06/06/2012 17:04:53] PARIS (AFP) Le coup de pouce au Smic, promis par François Hollande et très attendu par les organisations syndicales, doit rester modéré, selon les experts, pour ne pas peser sur l’emploi et les comptes publics.

Ce coup de pouce bénéficierait immédiatement aux 1,6 million de salariés payés au Smic ou 2,5 millions en ajoutant les fonctionnaires et les intérimaires, soit près de 11% des salariés.

La dernière hausse du salaire minimum supérieure à l’augmentation légale remonte à 2006 (+0,3%).

Le président a promis de “rattraper ce qui n’a pas été accordé” ces dernières années. Il a prévenu néanmoins qu’il veillerait “à ce que cela ne déstabilise pas les entreprises”.

Mettant en garde une nouvelle fois contre un “risque sérieux sur l’emploi”, Laurence Parisot, la patronne du Medef, a demandé en urgence la saisine du groupe d’experts sur le Smic, composé de cinq économistes.

Ce groupe, dans son dernier rapport publié en décembre 2011, “a considéré à l’unanimité qu’un coup de pouce ne serait pas opportun et pouvait avoir des conséquences néfastes sur l’emploi ou sur les finances publiques”, rappelle l’un de ses membres, Gilbert Cette, professeur d’université, interrogé par l’AFP.

Un coût global qui fait débat

Une hausse du Smic pèserait fortement sur la dépense publique. Elle “alourdit arithmétiquement” la facture des exonérations de charges sur les bas salaires que compense chaque année l’Etat, explique à l’AFP Gilles Carrez (UMP), rapporteur général du Budget dans l’Assemblée nationale sortante.

“1% d’augmentation, c’est 700 millions d’allègements en plus”, “ce serait insensé”, estime-t-il. En comptant les revalorisations de salaires des 890.000 fonctionnaires concernés, la facture atteindrait “1 milliard”, selon lui.

Ce chiffre fait débat, plusieurs économistes estimant que le coût global serait plus proche de “quelques centaines de millions d’euros”.

Les experts insistent aussi sur l’effet d’une hausse du Smic sur la compétitivité et l’emploi.

D’après Francis Kramarz, l’un des experts du groupe sur le Smic, une hausse de 1% entraînerait la destruction de 1,5% des emplois au salaire minimum, soit environ 25.000 emplois. Et les premières victimes seraient les jeunes.

Une hausse du coût du travail inquiète davantage les PME, où les taux de marge sont réduits et la proportion de salariés au Smic très élevée (24% dans les entreprises de moins de 10 personnes contre 4,5% dans les grandes).

“Au vu du contexte: un chômage maximum, une croissance au minimum, un coup de pouce supérieur à 1% serait un très mauvais message”, prévient Yannick L’Horty, professeur à l’université Paris-Est.

Faut-il relever le Smic ou le RSA ?

Alors que deux syndicats (FO et la CGT) réclament une hausse de plus de 20% du Smic sur le quinquennat, Martin Hirsch, créateur du Revenu de solidarité active (RSA), plaide pour un relèvement de ce dispositif (qui permet de compléter les revenus des petits salaires), outil “plus efficace” et “mieux ciblé sur les bas salaires” que le Smic, selon lui.

Le Smic “a été un bon outil contre les inégalités salariales”, mais “il n’est pas l’outil adéquat pour lutter contre la pauvreté”, acquiesce M. L’Horty, en notant que “les inégalités de revenus en France résultent de l’absence d’emploi” et des temps partiels subis.

“Il faut aider les entreprises qui font un effort pour ne pas laisser, en particulier, les femmes en temps partiel”, demande le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque.

Les salaires seront au menu d’une des sept tables rondes de la grande conférence économique et sociale les 9 et 10 juillet. Plusieurs syndicats demanderont que les allègements de charges soient repensés, afin que des salariés “ne restent pas toute leur vie au Smic”.

Un coup de pouce présidentiel a “une valeur de symbole” mais 1%, déjà considéré comme élevé par les experts, ne rapporterait que 10 euros par mois pour un salarié à temps complet, souligne M. Hirsch, pour qui ce serait “symbolique, au sens de négligeable”.