La webcampagne 2012 a atteint les électeurs, sans forcément les convaincre

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élection présidentielle (Photo : Bertrand Langlois)

[10/05/2012 17:02:06] PARIS (AFP) Avec un déluge de moyens techniques et humains inédits, la webcampagne présidentielle semble avoir surtout été un efficace outil de mobilisation des militants et des électeurs, sans toutefois parvenir à séduire ces derniers, selon plusieurs spécialistes du secteur.

Qu’elle est loin, la présidentielle de 2002, avec des pages internet de bric et de broc, servant au “dépôt des documents de campagne”, comme se souvient Arnaud Mercier, chercheur à l’Université de Lorraine spécialiste de la communication politique sur internet.

Internet et ses réseaux sociaux ont vu déferler des infographies par dizaines, des “mèmes” (un élément décliné et détourné à l’infini, par exemple l’affiche de campagne de Nicolas Sarkozy avec un nouveau slogan à la place de “La France forte”) par centaines et des tweets par millions, réalisés par des équipes de campagne professionnelles et dédiées.

Et à l’UMP comme au PS, environ 10% du budget de campagne, soit 2 millions d’euros, ont été affectés à ce poste.

David Rachline, responsable de la campagne web du FN, pense qu’internet a pu être utile pour atteindre les Français directement. “Le courant passe mieux en limitant les intermédiaires, parfois peu objectifs”, dit-il à l’AFP.

Reflétant un discours tenu par nombre de partis pendant la campagne, il voit dans internet et les réseaux sociaux “une force de frappe considérable” ne nécessitant “pas grand chose”.

Son homologue chez François Bayrou, Matthieu Lamarre, à la tête d’une campagne web pourtant plutôt réussie, déplore qu’il n’y a pas eu “tant de mobilisation que ça” des Français dans cette campagne.

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Le site de Marine Le Pen (Photo : Bertrand Langlois)

Les équipes web ont développé des “outils beaucoup plus perfectionnés qu’en 2007 mais qui n’ont pas rencontré leur public autant qu’on aurait voulu”.

Internet a-t-il permis d’engranger des voix? “C’est très dur à quantifier. Ce qui est sûr, c’est que ça a permis d’amener des gens aux bureaux de vote (…) qui ne pensaient pas voter”.

Un avis partagé par le consultant médias Erwann Gaucher : “La webcampagne a démultiplié les conversations politiques en les portant là où sont les gens, là où ils passent le plus de temps”, analyse-t-il.

Ainsi, il y a selon lui “une corrélation” entre ces conversations “et l’abstention nettement plus basse que prévu”. “Sans avoir fait voter pour un candidat ou un autre, la webcampagne a redonné à beaucoup le goût de la politique”.

Toutefois, “l’activité qui s’est déployée sur le web et les réseaux n’a pas eu un impact direct sur les résultats”, juge-t-il sur son blog. “Les candidats les plus plébiscités, les plus suivis sur les réseaux n’ont pas forcément rencontré le même succès dans les urnes”.

Le chercheur Arnaud Mercier est tout aussi réservé: “Il s’est moins passé de choses sur internet qu’en 2007”. D’après lui, les candidats ont accordé “beaucoup plus d’importance” aux médias traditionnels” qu’à internet qui permet pourtant de “s’adresser directement au peuple”.

“On n’est pas du tout rentrés dans une logique d’interactivité”, regrette-t-il. Dans une certaine mesure comme en 2002 et 2007, les candidats ont été “sur internet parce que tout le monde y est”, pour éviter de passer pour des “ringards”, avec “de beaux dispositifs techniques, mais un peu des coquilles vides”.

Pour lui, “la vraie innovation” est “sur les usages journalistiques”. “Tweeter une émission ou la couvrir en direct sur les portails d’informations avec le factchecking a tué toute une partie du jeu d’influence” des partis, car journalistes et internautes ont “rétabli la vérité” sur leurs déclarations.

Une enquête Ipsos de novembre indiquait d’ailleurs que des 58% de Français qui comptaient utiliser internet pour s’informer sur la présidentielle, seuls 16% citaient les “sites des partis politiques” et 13% “les blogs des candidats” comme sources d’information, preuve des réserves des électeurs vis-à-vis de ces moyens d’information.