Le dinar irakien, victime collatérale de l’embargo sur l’Iran et la Syrie

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é de bureau de change compte des billets en dollar le 11 avril 2012 à Bagdad (Photo : Ali al-Saadi)

[12/04/2012 09:02:07] BAGDAD (AFP) L’Irak, qui encaisse mensuellement plus de sept milliards de dollars de revenus pétroliers, voit sa monnaie s’affaiblir face au billet vert, en raison notamment de la soif de devises de ses deux voisins, l’Iran et la Syrie, frappés par des sanctions internationales.

Le billet vert s’est dévalué de 13,7% depuis le début de l’année avec une nette accélération cette semaine, s’échangeant mardi à 1.320 dinars pour retomber à 1.270 dinars mercredi. La semaine dernière il tournait autour de 1.230 dinars. Depuis 2008, le prix moyen était de 1.180 dinars.

“Je constate, depuis le début de l’année, une attaque monétaire, c’est à dire un accroissement de 40 à 50% de la demande sur le dollar”, confie à l’AFP le gouverneur de la Banque centrale, Sinan al-Chabibi.

“L’Irak a d’importantes réserves en monnaie étrangère, qui se montent à 60 milliards de dollars, mais cela ne veut pas dire que nous devons les utiliser sans contrôle ni supervision”, a-t-il ajouté.

En février, pour freiner la frénésie d’achats de dollars qui tournaient autour de 200 millions par jour, la Banque centrale avait exigé que les banques fournissent des informations sur les acheteurs. La mesure n’avait pas vraiment calmé le marché, plus de 100 millions de dollars ayant été achetés en moyenne chaque jour en mars et en avril.

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Des femmes marchent dans un centre commercial de Bagdad, le 11 avril 2012 (Photo : Ali al-Saadi)

De dimanche à jeudi, la Banque centrale vend aux enchères des dollars aux banques et aux changeurs agréés.

“La forte demande sur le dollar s’explique par les sanctions contre la Syrie et l’Iran mais aussi par l’instabilite de la situation politique autour de nous et dans notre pays”, a noté M. Chabibi.

“C’est évident que nous devons payer en dollars les produits que nous importons de chez nos voisins mais nous avons le sentiment que la demande sur le dollar est bien plus importante que le montant des importations”, a-t-il ajouté.

L’Irak est bordé à l’est par l’Iran, en conflit avec les occidentaux sur son programme nucléaire et à l’ouest par la Syrie en proie à une révolte depuis plus d’un an contre le régime de Bachar al-Assad. En outre, la manière de gouverner du Premier ministre, Nouri al-Maliki, est contestée par les dirigeants sunnites et kurdes.

Pour l’économiste irakien Hilal Tahan, “l’accroissement des transferts hors du pays et l’instabilité qui règne chez nous accroissent la demande sur les devises étrangères et entraînent une hausse du dollar”.

Il préconise donc que la Banque centrale cesse ses ventes aux enchères quotidiennes de billets verts. Mais M. Chabibi a rejeté une telle proposition car cela remettrait en cause “la politique financière” du pays.

Selon M. Tahan, “les citoyens risquent de perdre la confiance dans leur monnaie si elle continue à se dévaluer face au dollar et il y a aussi un danger d’inflation”.

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électrique dans son magasin de Bagdad, le 11 avril 2012. (Photo : Ali al-Saadi)

Changeur dans le quartier commercial de Karrada, Saad Hadi Alwan, 37 ans, ne fait plus depuis trois jours des transactions en devise américaine. “Avant j’échangeais entre 50 et 150.000 dollars par jour mais j’ai cessé car le marché est trop volatile et je perds de l’argent”.

Rue Arrasat, où sont regroupés les commerces d’électronique, c’est le calme plat. “Nous n’avons rien à faire car les gens ont peur d’acheter quand le taux de change est instable. Si le dollar se stabilise à 1.200 dinars ou même à 1.500 dinars nous pouvons travailler, mais les variations permanentes tuent le marché”. confie le chef des ventes d’un magasin Bassens al-Chammari, 40 ans,

“Cela fait une semaine que le dollar valse nos ventes ont baissé de 50%”, maugrée-t-il