Tunisie : «3000 ans d’histoire, 50 ans de tourisme et 1 an de démocratie»

tourisme-030212.jpgUn bel intitulé pour un non évènement! Un immense tableau annonçant l’événement est en fait resté quasiment vide durant toute la séance du séminaire sur la relance du tourisme organisé les 3 et 4 février 2012 à Gammarth. Le tableau inanimé ressemblait hélas à l’idée que l’on peut se faire en ce moment de la Tunisie et du vide qui colle à sa destination.

Hamadi Jebali, chef du gouvernement, repart aussi vite qu’il est arrivé, livrant un discours de campagne électorale. Tout va bien dans le meilleur des mondes. La Tunisie a fait ses élections, restera ouverte et tolérante et les libertés individuelles seront respectées. Un engagement qui rassure mais qui manque de concret. Un opérateur tuniso-français sourit. Il ne peut ne pas se souvenir que ce même Hamadi Jebali a mis plusieurs jours pour condamner les propos haineux prononcés devant l’aéroport le jour de l’arrivée de Haniyeh en Tunisie. Une campagne anti-Tunisie en France a même été déjouée in extremis grâce à quelques amis influents du pays.

C’est ensuite au tour de Elyes Fakhfakh, ministre du Tourisme issu du parti Ettakatol, de prendre la parole au sein de la Troïka. Le ministre fait-il autant cavalier seul pour se retrouver dans la peau d’un animateur de séminaire? Son allocution était “politique” mais est-ce ce qu’attendaient les professionnels du secteur? Aucune date, aucune annonce, aucun plan précis. Un flot de généralités débitées devant une salle qui ne parvenait pas à vraiment accrocher à un discours semé de beaucoup (trop?) de bonnes intentions.

Pourtant pour ses premiers pas, Elyes FaKhfakh a tout de même réussi son coup. Il y avait beaucoup de monde et on a revu même les pionniers du tourisme. Les médias étaient présents, massivement, et près 40 journalistes étrangers assistaient à ce séminaire. Sauf que tout ce beau monde est resté sur sa faim. Ce n’est d’ailleurs pas la prestation du ministre du Transport qui aurait pu redonner du baume au cœur. En plus de son discours incohérent, celui-ci a informé que l’Open Sky n’était pas pour demain et que la Tunisie allait travailler à développer son réseau ferroviaire.

Zouheyr Ben Mbarek est agent de voyage. Il s’avoue déçu et pense qu’avec les mêmes réflexes, les mêmes approches et méthodes, rien ne changera… On promet aux opérateurs du changement mais qu’on les laisse amorcer celui-ci! Si on garde la configuration actuelle entre l’administration et les privés, on ne sortira pas de l’auberge. Une révolution est passée par la Tunisie mais elle a visiblement oublié le tourisme.

Durant le séminaire, on constate inlassablement les mêmes pauses cafés, même sucreries maladroitement posées, même décoration florale, même sonorisation défaillante, même maladresse dans le dressage des plans de table… Au repas offert à midi au «Résidence Golf Club», on sert un menu qu’une grande partie des invités a déjà goûté au moins des dizaines de fois. Un service malhabile, des mets froids, de la lenteur, un ministre jeune et dynamique qui s’assoit et ne se lève plus de sa chaise. Grâce à son jeune âge et pour démontrer une volonté de changement de style et de ton, il pouvait se permettre d’être plus cordial et échanger quelques phrases avec ses invités afin d’établir le contact. Rien de cela.

A la tête d’un secteur stratégique de l’économie tunisienne dans un gouvernement révolutionnaire, Elyes Fakhfakh et son équipe auraient pu veiller à s’ouvrir davantage sur l’environnement désormais frétillant de la capitale. N’auraient-ils pas pu concocter un programme plus original qui tranche avec ceux que l’on a l’habitude de voir depuis des dizaines d’années? Ce n’est certes pas avec des séminaires, des déjeuners ratés et un énième dîner à l’Acropolium que l’on peut donner l’impression de vouloir bousculer l’ordre établi.

Faute de relancer le tourisme tunisien, Elyes Fakhfakh aurait pu solliciter les agences de voyages qui sont en difficulté pour proposer un programme détonant. N’était-ce pas là une belle occasion pour insuffler l’air du changement qu’il souhaite porter?

Pour cela, il aurait fallu bondir sur un des événements qui se tiennent dans la capitale. A titre indicatif, ce jour-là se tenait une exposition avec happening de facture internationale entre l’artiste Njah Mehdaoui et l’Italien Agostino Ferrari. Quoi de mieux qu’un évènement pareil pour sceller une relance entre deux pays que partage la Méditerranée! Habiller cet événement de ce qu’il convient de paillettes, de personnalités, aurait pu faire la une de bien des journaux!

Le ministre du Tourisme en est à ses premiers pas. Tel un nouveau-né, il peut se permettre encore de trébucher. S’entourer des bonnes personnes, se permettre plus d’audace et d’ouverture avec les autres milieux des affaires, de l’événementiel, de la culture pourraient être d’un grand secours à l’équipe actuelle, et faute de relancer la machine, cela pourrait apporter à la destination une communication plus positive.

Il serait dommage pour pareille jeunesse, révolution et autant d’élans, que le gouvernement se renferme sur lui-même et s’isole. Le tourisme tunisien a besoin de la concertation la plus élargie possible.