“A la Une du NYT” : l’un des meilleurs quotidiens du monde à l’heure numérique

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ège du journal The New York Times le soir (Photo : Mario Tama)

[18/11/2011 08:05:37] PARIS (AFP) Twitter, WikiLeaks et l’addiction à l’info immédiate et gratuite peuvent-ils tuer une institution comme le New York Times ? Un documentaire d’Andrew Rossi (sortie mercredi) s’attache à prouver le contraire.

“Cyniquement, on pouvait se demander si on avait encore besoin du Times avec les sites d’info sur internet… Or c’est vraiment instructif de voir ce que ça signifie vraiment de pratiquer ce type de journalisme”, conclut le réalisateur de cette plongée de quatorze mois au coeur du NYT, planète aux 106 Prix Pulitzer.

Début 2009, le New York Times, créé en 1851, est un grand corps malade, sonné par ses pertes (1,1 milliard de dollars) et tout juste renfloué par le milliardaire mexicain Carlos Slim.

La crise a frappé de plein fouet la presse américaine, fauchant des titres historiques de Seattle à Detroit : en dix ans, près de 2.800 journaux américains ont mis la clé sous la porte.

Dans la tempête, le quotidien de Big Apple procède à une centaine de licenciements (mars 2009), annonce une baisse temporaire de 5% des salaires. Et renforce son desk “Médias” pour décrypter ce paysage en mouvance.

Andrew Rossi arrive sur ces entrefaites en novembre 2009 et plante sa caméra dans l’immense rédaction (plus de 1.100 journalistes) qu’il suit jusqu’à janvier 2010, “avec une interruption de quelques semaines, à la demande de la direction, lors des licenciements”, indique-t-il à l’AFP.

“Le journal se vivait encore comme ce qui se fait de mieux dans la presse, mais les plus malins comprenaient que leur modèle économique était sous tension et commençaient à se demander si le Times allait survivre”, raconte-t-il.

Pour cette raison, il s’attache aux pas du service Médias, une rédaction de quatre personnes dont il connaît déjà David Carr, personnage singulier (ancien junkie accroc au crack) qui lui sert de poisson-pilote.

Intramuros, le spectateur suit les enquêtes, les débats au sein du service et les conférences de rédaction, deux par jour sous la férule du directeur de la rédaction Bill Keller (remplacé depuis par Gil Ambrason), dont celle de 16H00 qui arbitre les titres et papiers à l’honneur en “Page One” (le titre original du film).

A l’extérieur, il arrive à David Carr de participer à des tables rondes et conférences sur l’avenir de la presse. A une salle comble de jeunes gens modernes (ordinateurs et téléphones à la pomme plein les poches et les genoux), l’animateur demande: “Qui ne verserait pas une larme si le NYT disparaissait ?”

Quelques mains se lèvent. “Qui pense ne pas pouvoir s’en passer ?” – elles sont à peine plus nombreuses. Dura lex.

Mais Andrew Rossi est là quand déferle l’effet WikiLeaks: une première fois, le sniper de l’info met en ligne une vidéo brute de commentaires montrant une meurtrière bavure de l’armée américaine en Afghanistan. La rédaction est sonnée: “plus besoin de nous”. Puis six mois plus tard, en novembre 2010, lors de la divulgation de dizaines milliers de télégrammes diplomatiques américains.

“Entre-temps, le monstre est devenu un partenaire: parce qu’il faut une rédaction pour structurer les infos de WikiLeaks et en faire des histoires”, remarque le réalisateur.

Le spectateur peut regretter de ne pas approcher davantage la fabrique de l’info sur le terrain à Bagdad ou Washington et se lasser des facéties de David Carr. Mais le film, sorti en juin aux Etats-Unis, a été bien accueilli par la presse et la rédaction du New York Times – la “review” (sa critique) en avait été confiée à un pigiste extérieur, qui l’a détesté.