Tunisie : Des dérapages post-Révolution

Par : Tallel

La Révolution tunisienne a certes inspiré les autres révolutions arabes, que ce soit en Egypte, en Libye, au Yémen, à Bahreïn et en Syrie, et tout porte à croire qu’elle ne va pas s’arrêter là. Certes elle a fait tomber une dictature et chassé du pouvoir 2 familles mafieuses, et tente actuellement d’instaurer une démocratie. 

Toutefois, force est de constater que l’absence d’une élite politique de leaders pose beaucoup de problèmes qui participent à une situation de chaos et d’instabilité économique, sociale et sécuritaire, avec plusieurs foyers de tension sociale voire d’insurrection.

Les sit-in, les grèves, les mouvements sociaux, les blocages de routes, les incendies d’entreprises et autres pillages ont provoqué un grand désordre social, mais ont eu également beaucoup d’impacts économiques qui vont laisser leurs traces pour des années dans l’inconscient collectif des Tunisiens. 

Résumons ces effets négatifs dans 3 domaines:

1. Premièrement, il y aura peu d’investissements privés dans les régions intérieures, même si on fait le maximum d’incitations à l’investissement. Car lorsque des citoyens s’attaquent aux entreprises, aux moyens de production, bloquent l’accès pour des usines, pendant des semaines voire des mois, en toute impunité et en toute impuissance de la police et de l’armée, comme pour le Groupe Chimique à Gabès, la Compagnie de Phosphates de Gafsa ou pour la Cimenterie d’Enfidha fermée depuis le 12 juin 2011, etc., il ne faut pas trop se leurrer, les investisseurs –nationaux ou étrangers- n’y viendront pas. Personne ne va se risquer à placer son argent, son capital dans des zones peu sûres, où la loi fait défaut. Du coup, l’appauvrissement de ces régions ne sera pas enrayé de sitôt. Ce qui aura pour effet d’accentuer la concentration des nouvelles activités économiques sur la côte (Tunis, Sousse et Sfax) où la vie à repris et où la sécurité est mieux assurée. 

2. Deuxièmement, peu d’entreprises feront appel à la sous-traitance, ou prendront de stagiaires ou saisonniers, car toute personne qui aura passé même un jour dans une entreprise dans le cadre d’un stage ou d’intérim pourrait demander sa titularisation d’office.

Donc, les intérims, les travailleurs saisonniers seront une vraie source de problèmes; même les contrats SIVP seront évités, ce qui va contribuer à aggraver l’appauvrissement des régions intérieures et l’augmentation du chômage au profit du littoral, plus stable et mieux structuré. Et cela durera tant que les citoyens des régions intérieures continueront à faire la politique de la terre brûlée.

3. Troisièmement, le rôle du privé et la défaillance des entreprises nationales publiques et les administrations de service. En effet, le plus grand enseignement et la plus grande erreur du gouvernement Ghannouchi -on ne le répétera jamais assez-, aura été d’intégrer les 20.000 intérimaires dans l’administration, avec tout ce que cela comporte comme poids pour le budget de l’Etat, ayant pour effet immédiat la sclérose du service public, surtout dans les municipalités. 

Mis en confiance par leur titularisation, les travailleurs municipaux refusent de travailler, avec des salaires garantis et une couverture sociale, laissant les ordures s’accumuler dans la plupart des villes tunisiennes…

Idem pour le transport public, avec un alourdissement du déficit public, de la mauvaise gestion, du gonflement des dépenses de l’Etat, sur le dos des citoyens qui paient via leurs impôts, au lieu de consacrer ces sommes d’argent pour le développement régional et pour la création de nouveaux emplois efficients.

Là où les revendications sociales ont été satisfaites dans le secteur public, la conséquence immédiate a été “moins de productivité, refus de service et recul net dans la qualité de service“…

Il sera plus utile d’investir dans le secteur privé, ce qui signifie que le gouvernement issu de la prochaine élection du 23 octobre 2011 aura tout intérêt à intensifier le recours aux services privés dans le transport urbain ou dans le ramassage des ordures ménagères, en créant ainsi beaucoup d’emplois, mais avec en sus une efficacité économique et une meilleure qualité de service.

Jusque-là, la Révolution tunisienne a été, de ce point de vue, il faut l’avouer, un recul net, avec de très mauvais choix dès le départ, ce qui a mis en péril plusieurs entreprises publiques voire précipité leur déclin ou handicapé leur développement.

Pour s’en convaincre, prenons deux exemples: Tunisie Autoroutes Tunisie Télécom. La première aurait été obligée d’intégrer, si nos sources sont bonnes, 1.700 nouveaux employés entre gardiens, jardiniers, chauffeurs qui travaillaient auparavant dans le secteur privé en tant que sous-traitants. Quant à Tunisie Télécom, qui compte déjà plus de 8.000 employés contre nettement beaucoup moins pour Tunisiana et Orange, elle serait, selon une source bien informée, sous la pression du syndicat pour intégrer plus de 1.200 intérimaires travaillant dans le nettoyage et le gardiennage. Ce qui, à court terme,  la précipiterait dans la faillite dont la part de marché recule de plusieurs pourcentages par an par rapport à Tunisiana sur le marché du mobile depuis le lancement de l’activité de ce dernier, mais également du nouvel arrivant.

Tout l’effort de gestion rationnelle du budget de l’Etat, du développement du secteur privé mis en place depuis les années 70 et qui a permis à la Tunisie –malgré tout ce qu’on peut reprocher à l’ancien régime- de réaliser des avancées économiques et de la croissance, est en train de tomber à l’eau.

Alors, nous pensons que le prochain gouvernement devrait démarrer un nouveau plan ou programme de mise à niveau et une limitation des dépenses publiques pour relancer la machine économique et réduire le chômage.

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