CHRONIQUE Tunisie : Mon ex-président était un bandit!

benali-bandit-1.jpgDes vidéos à ne plus en finir, des feuilles de choux (livres et presse) à ne pas lire, des témoignages à salir, des révélations à faire pâlir, des émissions télévisées à abrutir… Alors que sur FB, on distille les vidéos de la famille régnante au compte goutte après l’avalanche des documents au lendemain du 14 janvier, le président déchu sort de son silence. Son avocat en appelle à un peu de décence. Il estime que l’évolution de la situation associe le nom de Ben Ali au «mal absolu» et en appelle à «garder l’honneur».

De quel honneur parle-t-on? De l’honneur de qui? De celui qui a semé corruption, haine et mésestime? Avait-on seulement besoin d’une autre marque de mépris? A-t-on pensé aux Tunisiens et à la honte qu’ils ressentent d’avoir été gouvernés par un président calamiteux entouré d’une famille de contrebandiers? Cette prise de parole est une insulte. Un outrage au peuple, à son histoire et à son intelligence.

La Tunisie est un Etat qui, maintenant débarrassé d’un président mafieux, saura laisser la justice faire son travail. L’avocat du «diable» n’aura pas à mentionner l’héritage de Ben Ali qui va hanter le pays pendant des années entières. Il n’aura pas non plus le supplice d’énumérer -à en perdre le souffle- les conséquences du règne de ce «mal absolu». Il n’aura même pas à comprendre comment le pays négocie sa transition démocratique dans la douleur avec un contexte économique moribond et périlleux.

Maître Le Borgne a-t-il vu ces Tunisiens qui doivent se remettre des crimes et du mépris d’un président qui a spolié, saigné et hypothéqué une partie de l’avenir de son peuple? Mais pourquoi s’en prendre à un avocat dont c’est le métier? Ben Ali lui-même réalise-t-il seulement que sortir de son silence est une arrogance? Une autre arrogance en trop.

Alors que les Tunisiens se sentent fiers de ce qu’ils sont et ont réalisé, il n’est plus permis de multiplier les occasions et prétextes pour leur faire ravaler leur fierté en semant de nouveaux doutes avec des lenteurs judiciaires, des émissions télévisées avilissantes, le spectre du tribalisme ou du régionalisme, les influences des opportunistes d’hier reconvertis en acteurs de la révolution aujourd’hui.

Le pays est dans une situation épouvantable gangrenée par des valeurs mafieuses et immorales que Ben Ali, son clan, ses amis et valets ont tissées. Celui qui a démuni un peuple de son propre respect de lui-même a droit à un avocat. Le peuple a droit à des procès. Aujourd’hui le plus urgent est de leur donner.

La confiance ne se rétablira qu’à ce prix. Seule la justice restituera au peuple son amour –propre. La fierté d’avoir destitué un tyran est un socle commun et inébranlable à tous les Tunisiens. Il s’agit maintenant de panser les blessures et d’administrer à tout un chacun le traitement qu’il faut en ne se trompant pas de remèdes.

Que ceux qui s’essayent à prouver que tout le pays a été complice par son silence, sa nonchalance ou sa résignation y réfléchissent par deux fois. Que ceux qui essayent de minimiser les responsabilités des uns en grossissant celles des autres devraient réfléchir tout autant. Tout le peuple tunisien s’est réveillé d’un cauchemar doublé d’une chimère. Les Tunisiens ne sont plus dupes. Le croire serait une autre insulte qu’ils ne supporteront plus.

Ce n’est qu’en comprenant le passé que l’on arrive à se projeter dans l’avenir. La restitution de la dignité passe par la vérité. Toutes les vérités.

Il est urgent de restituer la relation entre l’Etat et le peuple avec le premier au service du second afin que l’on puisse reconstruire une Tunisie plus juste et plus équitable. Un pays de droit. Cela passe de façon inconditionnelle par de nombreuses réponses afin que les aspirations de la population ne se muent pas encore en frustrations. Elles seraient fatales.

Aujourd’hui, il est urgent de se mobiliser pour une réconciliation nationale. Le premier obstacle à la guérison des peuples est sa mémoire. Reconnaître une blessure, c’est aussi affirmer ne plus être prêt à la revivre. Pour recevoir la guérison, il faut s’y préparer. «Aidons-nous nous-mêmes, peut-être que le ciel nous aidera!