Accords commerciaux avec l’UE : l’Afrique prête à sortir les griffes

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ésident de la Commission de l’Union africaine Jean Ping avec la presse, le 28 novembre 2010 à Tripoli, en Libye (Photo : Mahmud Turkia)

[29/11/2010 09:27:16] TRIPOLI (AFP) Les dirigeants africains sont déterminés à dénoncer à nouveau les accords commerciaux proposés par l’Union européenne et imposer cette question épineuse à l’ordre du jour du sommet qui les réunit avec leurs homologues européens à partir de lundi à Tripoli.

“Ce qui est clair c’est qu’il y a des divergences au sujet de ces accords et que ces différends vont être répétés au cours du sommet”, a déclaré le président de la Commission de l’Union africaine Jean Ping à la veille de la réunion qui doit regrouper 80 dirigeants africains et européens.

Depuis près d’une décennie, Bruxelles négocie sans grand succès ces Accords de partenariat économique (APE) pour remplacer le régime commercial préférentiel accordé par l’Europe à ses anciennes colonies, régime jugé incompatible avec les règles internationales par l’Organisation mondiale du commerce.

Cette question épineuse a été soigneusement écartée de l’ordre du jour du sommet de Tripoli. “Mais ceci ne nous empêchera pas d’en parler”, a déclaré à l’AFP le ministre sénégalais des Affaires étrangères Madické Niang.

“Nous voulons des APE qui prennent en compte notre volonté de développer l’Afrique et de doter le continent au préalable d’infrastructures et de capacités”, a-t-il dit.

Les APE permettraient aux produits africains d’accéder au marché européen sans droit de douane ni quota, en échange d’une ouverture des marchés du continent aux produits européens, sur des périodes de transition allant jusqu’à 25 ans.

“L’UE nous demande d’ouvrir nos frontières à 70%. C’est tuer toute industrie naissante en Afrique”, a dénoncé un haut diplomate de l’Union africaine.

“Dans leur état actuel, les APE ne servent pas l’intérêt du continent. Nous allons inviter l’UE à renégocier. Il faut revoir les APE de fonds en comble”, a-t-il dit.

Selon un autre diplomate africain, “les droits de douane représentent pour de nombreux pays pauvres une grande partie des recettes du gouvernement”.

“Supprimer ces droits ne peut pas nous aider à nous développer. Nous avons besoin de compensation dans ce cas”, a-t-il déclaré.

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à Tripoli, en Libye (Photo : Mahmud Turkia)

Alors que l’Europe reste le premier partenaire commercial de l’Afrique, elle subit de plein fouet la concurrence de puissances émergentes, comme la Chine, le Brésil ou l’Inde.

La Chine a injecté des milliards dans des investissements en Afrique dans le pétrole, l’exploitation minière et l’industrie, tout en gagnant les coeurs et les esprits avec aides et prêts bonifiés.

Selon Elise Ford, de l’ONG Oxfam, l’UE devrait “suivre une nouvelle approche” lors du sommet de lundi et mardi, appelant les 27 à être “vraiment à l’écoute” de l’Afrique.

“Les dirigeants européens doivent faire preuve de souplesse et être préparés à faire des concessions en Libye”, a-t-elle estimé.

Selon cette ONG basée en Grande-Bretagne, l’UA a préparé un document en vue du sommet suggérant un changement “radical” dans les APE, et envisageant un “abandon total des négociations si aucun progrès n’est fait”.

Les chiffres publiés par l’office statistique européen Eurostat à la veille du sommet font état d’un regain de croissance dans le commerce entre l’UE et l’Afrique durant les neuf premiers mois de 2010.

Les exportations vers l’Afrique se sont élevées à 90 milliards d’euros contre 79 milliards durant la même période de 2009, et les importations à 96 contre 79 milliards.

Le pétrole, le gaz et les diamants sont les principaux produits importés, tandis que les exportations concernent notamment l’essence, les produits pharmaceutiques et les céréales, selon Eurostat.