Ouverture ce mardi du procès Jérôme Kerviel, symbole des dérives de la finance

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érôme Kerviel à Paris le 20 mai 2010 (Photo : Thomas Coex)

[08/06/2010 04:40:43] PARIS (AFP) Jérôme Kerviel, accusé d’avoir fait perdre 4,9 milliards d’euros à la Société Générale début 2008, comparaît du 8 au 25 juin devant le tribunal correctionnel de Paris, pour un procès emblématique des dérives de la finance dont il se dit lui-même victime.

L’ancien trader, 33 ans, seul prévenu, encourt cinq ans de prison, 375.000 euros d’amende et des dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi par la banque, partie civile.

Selon l’accusation, il a pris des positions spéculatives colossales sur les marchés à l’insu de sa hiérarchie, en déjouant les contrôles à l’aide d’opérations fictives, mensonges et fausses déclarations.

Le 18 janvier 2008, la banque découvrait qu’il avait pris pour près de 50 milliards d’euros de positions, qu’elle “débouclait” (soldait) dans l’urgence. Elle enregistrait une perte de 6,3 milliards, moins 1,4 milliard de gains engrangés fin 2007 par le trader.

Le 24, elle annonçait cette “fraude” sans précédent, provoquant une onde de choc sur les places financières, confrontées à une vulnérabilité que la crise mondiale allait confirmer peu après.

Poursuivi pour abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données dans un système informatique, l’ancien trader plaidera pourtant la relaxe.

“Sa défense est un vrai défi, parce qu’on assène depuis deux ans une unique vérité, où un homme seul aurait pu engager pour 800 milliards d’euros au nom de la banque sans que personne ne voie rien!”, s’insurge Me Olivier Metzner.

“Nous allons démontrer que tout ce qui était opéré par Jérôme Kerviel était visible”, ajoute ce ténor du droit pénal financier, avocat du jeune homme depuis la fin de l’instruction conduite par le juge Renaud van Ruymbeke.

Plus de 40 témoins sont attendus, dont 33 cités par la défense.

“J’ai commis des erreurs”, admet Jérôme Kerviel dans un livre paru début mai (“L’engrenage, mémoires d’un trader”), où il reconnaît avoir perdu le sens des réalités, jonglant avec les milliards quand ses collègues ne se frottaient qu’aux millions.

Mais il affirme que ses supérieurs “connaissaient (ses) positions”, qu’aucune limite ne lui avait été clairement fixée et que l’enregistrement d’opérations fictives pour camoufler des engagements réels était courant.

Ses motivations? “Evidemment on ne crache pas sur un bonus, mais mon objectif, ce n’était vraiment pas ça”, assure-t-il.

Originaire de Bretagne, titulaire d’un DESS de finance et entré en 2000 à la Société Générale, il dit qu’il se “défonçait” pour la banque, en “bonne gagneuse” qu’on lui demandait d’être.

Jérôme Kerviel, qui a passé 38 jours en prison en 2008, refuse d’assumer la perte de 4,9 milliards, estimant que le débouclage a été désastreux. Il insinue aussi avoir servi de “leurre”, la banque minimisant ainsi son exposition aux “subprimes”.

“Cela n’a aucun sens de fabriquer des faux courriels et d’affirmer aujourd’hui, comme il le fait, que plusieurs personnes étaient au courant”, rétorque Me Jean Veil, avocat de la Société générale.

Jérôme Kerviel dit que sa hiérarchie le couvrait parce qu’il gagnait de l’argent. Pourquoi l’aurait-elle fait en 2007 quand il enregistrait de lourdes pertes “latentes”, avant un retournement du marché en juillet?

Pour Me Veil, “c’est une plaisanterie”.

Les services de contrôle ont été défaillants, la Société Générale a d’ailleurs été sanctionnée par la commission bancaire. Mais c’est Kerviel qui, “par sa duplicité, sa ruse”, parvenait à les “rassurer”, ajoute l’avocat, en considérant par ailleurs que “la qualité du débouclage” a sauvé la banque”.