L’accélération du chantier de l’EPR fait grincer des dents

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éacteurs de troisième génération (EPR) à Flamanville le 13 octobre 2009 (Photo : Mychèle Daniau)

[23/12/2009 12:07:23] FLAMANVILLE, Manche (AFP) Passage aux 3/8 et semaines de 48 heures: le retard du chantier du réacteur nucléaire EPR à Flamanville se traduit par une intensification du travail, dans des conditions critiquées par la CGT même si le maître d’oeuvre EDF assure que le droit est respecté.

“On demande de plus en plus de travail aux ouvriers du génie civil à des horaires qui changent souvent, sans les payer plus, avec des semaines de 48 heures le plus souvent, le tout dans des conditions climatiques difficiles”, dénonce Jack Tord, délégué CGT (majoritaire) chez EDF.

La direction se refuse à parler des délais mais la CGT estime le retard à un an minimum.

Pour le génie civil, un “petit coup d’accélérateur” a été nécessaire, reconnait le directeur du chantier Philippe Leigné. Aussi, EDF a finalisé à la fin de l’été un avenant au contrat passé avec Bouygues, pour un passage aux trois huit 6 jours sur 7, avec 200 des 2.500 employés du chantier concernés.

Ce rythme est rare, selon les syndicats. Mais pour M. Leigné, le chantier ne présente “pas d’écart avec la législation du travail”.

Sur place, les ouvriers parlent sous couvert d’anonymat.

“Passer du rythme 05H/13H pendant une semaine, à 13H/21H00 l’autre puis 21H00/05H00, c’est fatigant, même si on a une semaine de repos après trois semaines. En plus pour le travail de nuit, on ne perçoit qu’un forfait de 15 euros par nuit”, racontent deux ouvriers à l’entrée du chantier.

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éma explicatif et carte (Photo : Paz Pizarro)

Ils viennent de Rouen et “rentrent moins souvent” chez eux. Comme eux, environ la moitié de la main d’oeuvre est “déplacée”, la plupart vit hébergée dans des mobilhomes, selon la direction.

Les travaux physiques sont “plus difficiles la nuit”, affirme un ferrailleur de Besançon. “Ici c’est boulot dodo pour 10,50 euros de l’heure. Les 3/8 c’est du volontariat mais en fait vu la crise on n’a pas le choix”, dit-il.

“C’est tellement grand, il y a beaucoup de bruit, même si on a tout le matériel de protection qu’il faut, c’est un chantier très dur”, ajoute un maçon Manchois qui a participé à plusieurs chantiers de centrales.

Le taux d’accident du travail par rapport au nombre d’heures travaillées est deux fois supérieur à l’objectif fixé par la direction d’EDF, avec un niveau toutefois plus ambitieux qu’habituellement dans le bâtiment.

Plusieurs ouvriers sont pourtant satisfaits. “Moi qui tourne sur les chantiers depuis 10 ans, je ne me plains pas. Je n’ai pas eu à chercher de logement. Ici on est logé pour 8,5 euros par jour”, raconte un Calaisien divorcé à la porte de son mobile home.

D’autres soulignent que, vu la durée des travaux, les chances de voir son contrat renouvelé sont plus grandes. Ils s’estiment un peu mieux payés que sur d’autres chantiers.

Mais la CGT d’EDF accuse Bouygues d’imposer une “loi du silence”. Ainsi, le syndicat dit n’avoir plus de nouvelles de Kevin Renaud, jeune délégué CGT de Quille, un sous-traitant de Bouygues. Début novembre, le représentant syndical avait dénoncé dans les médias locaux “des semaines pouvant aller jusqu’à 48 heures de travail, sans paiement d’heures sup et même avec perte de RTT”.

Interrogé par l’AFP sur les revendications de certains sur le chantier, Bernard Soulez, secrétaire général FO de Bouygues (majoritaire) dit “n’avoir rien à dire”.

Mais la CGT d’EDF a demandé une table ronde avec Bouygues sur les conditions de travail.