La Russie de moins en moins certaine d’échapper à la récession

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és le 3 décembre 2008 à Moscou (Photo : Dmitry Kostyukov)

[10/12/2008 17:51:58] MOSCOU (AFP) La rapidité avec laquelle la conjoncture s’est dégradée ces dernières semaines en Russie déroute les économistes, qui n’excluent plus une phase de récession, même si beaucoup dépendra des cours respectifs du pétrole et du rouble.

“Il y a deux mois encore, les fonctionnaires qualifiaient la crise de phénomène extérieur et, sentant dans leur dos les énormes réserves (financières) de l’Etat, se comportaient de façon dégagée face à elle. A présent, les sourires condescendants se sont transformés en blagues amères”, raillait mercredi Evguenia Pismennaïa, chroniqueuse du quotidien Vedomosti.

Les cours du pétrole ont chuté à un tel rythme que le gouvernement n’a plus le temps d’adapter ses décisions à cette nouvelle donne, et s’est même vu contraint de faire volte-face sur certaines décisions présentées comme irrévocables, souligne-t-elle.

“Le baril à 35 dollars, c’est un test pour le Premier ministre Poutine”, résume-t-elle.

Face à ces indicateurs virant au rouge l’un après l’autre, l’intéressé a annoncé mercredi la mise sur pied d’une commission spéciale anticrise, chargée d’assurer la stabilité économique du pays et d’atténuer son coût social, des dizaines de milliers de licenciements étant attendus d’ici à février.

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é à Moscou le 22 Octobre 2008. (Photo : Alexander Nemenov)

La semaine a été particulièrement riche en mauvaises nouvelles en Russie : outre la faiblesse persistante des cours du pétrole, l’agence de notation Standard and Poor’s a dégradé sa note souveraine pour la première fois depuis dix ans.

Les ventes de voiture étrangères se sont effondrées de 15% en novembre sur un an, alors qu’elles affichaient une hausse de 47% en moyenne sur les six premiers mois de l’année.

Quant à la croissance du produit intérieur brut, si elle a conservé un rythme très honorable au troisième trimestre (6,2% sur un an), tout laisse à penser qu’elle va s’effondrer au 4e trimestre.

“Nous assistons à une évolution très rapide en Russie”, acquiesce Anton Stroutchenevski, économiste de la banque Troïka Dialog.

“Nous ne savons pas exactement ce qui se passe dans l’économie car nous n’aurons les chiffres de novembre que dans deux semaines, mais il semble que l’économie stagne ou recule même”, a-t-il dit, interrogé par l’AFP.

Elena Charipova, analyste de Renaissance Capital, ne prend pas de gants : elle est pour sa part convaincue que le PIB de la Russie va reculer au quatrième trimestre 2008 et au premier trimestre 2009, ce qui correspondrait donc à la définition usuelle de la récession.

“D’une discussion sur un taux de croissance de 3 à 4% en 2009, on en vient de plus en plus à évoquer une potentielle” baisse du PIB, souligne également Chris Weafer, analyste de la banque Uralsib.

Autre incertitude : celle qui continue de peser sur l’avenir du rouble. La monnaie a d’ores et déjà perdu la confiance des Russes, qu’ils soient particuliers ou entreprises, qui échangent en masse leur argent contre des dollars ou des euros, d’où d’intenses fuites de capitaux depuis le mois d’août.

La Banque centrale russe (BCR) a admis avoir dépensé des dizaines de milliards de dollars pour maîtriser au mieux sa baisse de façon à ce qu’elle soit graduée, mais elle a sérieusement entamé ses réserves à l’occasion.

Les économistes, partagés sur la pertinence de sa stratégie, retiennent leur souffle en attendant de voir ce qu’elle va faire dans les semaines à venir.

Si elle laisse le rouble flotter librement et donc se dévaluer, une “reprise de l’activité est possible”, pense pour sa part M. Stroutchenevski. Dans le cas contraire elle risque fort de demeurer “stagnante”, prévient-il.